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COP26

Les mesures contre le réchauffement climatique déçoivent

18 novembre 2021 | Mise à jour le 18 novembre 2021
Par | Photo(s) : Andy Buchanan / AFP
Les mesures contre le réchauffement climatique déçoivent

Loin d'être un tournant pour l'humanité auquel appelaient scientifiques et ONG, la COP 26 a déçu quant à ses ambitions pour réduire le réchauffement climatique. L'accord de Glasgow est un texte au rabais, notamment sur la consommation de charbon. Décryptage avec Romain Descottes, conseiller confédéral CGT à l'espace international, de retour de la conférence.

« Le Pacte de Glasgow est loin d'être à la hauteur des attentes, pose d'emblée Marie Buisson, secrétaire confédérale en charge des questions écologiques à la CGT. Ça a été une déception, notamment sur la lutte contre le réchauffement climatique, un danger qui guette en particulier certains pays du Sud. Des pays qui n'ont d'ailleurs pas pu participer à la COP 26 pour des raisons de vaccinations et donc de déplacements, ce qui a posé un grave problème dès le démarrage de cette COP quant à l'entre-soi. » Après 11 jours de sommet à Glasgow, environ 200 pays sont parvenus, le 13 novembre, à un compromis qui n’assure pas le respect des objectifs de l’accord de Paris de 2015 qui était de limiter le réchauffement « bien en deçà » de 2°C et si possible à 1,5°C.

Défaut démocratique

Sans se faire beaucoup d'illusions sur les résultats de cette grand-messe qu'ils sont nombreux à qualifier de « vaste opération de greenwashing », nombre d'ONG et de syndicats avaient fait le déplacement pour tenter de peser sur ce rendez-vous crucial pour l'avenir de la planète et continuer à développer leurs coopérations. Ils étaient particulièrement visibles lors de la journée de mobilisation mondiale, le 6 novembre, qui a réuni plus de 100.000 personnes dans les rues de la capitale écossaise – dont des peuples autochtones, des communautés indigènes, des organisations d'activistes pour la justice climatique, des mouvements féministes, antiracistes et pour l'égalité de genre et un important cortège syndical. « C'est un drame politique… On ne peut pas dire qu'il y ait eu des négociations officielles, confirme Romain Descottes, conseiller confédéral à l'espace international sur les questions écologiques, présent à la COP 26. Le G7 et le G20 avaient déjà eu lieu, on sait bien c'est plutôt dans ces instances que se décide un peu tout en amont. Les dés étaient pipés dès le départ alors que la COP est censée être le cadre démocratique. »

Concurrence au lieu de solidarité

Les rapports de force politiques mondiaux sont tels, aujourd'hui, que les États souhaitant porter une autre logique que celle adossée aux mécanismes de marché et à la défense de leurs industries fossiles les plus polluantes, se content sur les doigts de la main. Un seul un pays s'est d'ailleurs publiquement opposé aux mécanismes de marché de l'article 6, article qui regroupe les objectifs de nature à rendre effectifs les engagements présents dans l'accord de Paris qui suppose notamment l'échange de quotas carbone entre des pays qui ont réussi à respecter leurs engagements et les pays qui n'ont pas réussi à le faire et le développement d'aides directes au développement des pays plus riches vers les plus pauvres pour que ceux-ci puissent prendre en charge les dégâts causés par le changement climatique. « Mais comment trouver des mécanismes qui vont préserver l'environnement à travers le marché alors que celui-ci suppose que chacun défende ses intérêts au sein d'une mise en concurrence de plus en plus féroce sur les marchés mondialisés ? », interroge le syndicaliste. Non seulement, la COP 26 n'a pas réussi à amorcer une remise en question – fusse-t-elle timide – du modèle économique mondial mais elle n'a pas été capable de renforcer les solidarités avec les pays du Sud, premiers concernés par les conséquences écologiques destructrices. « C'est le deuxième échec : depuis 2009, un fond de 100 milliards doit être versé par les pays du Nord aux pays du Sud pour favoriser l'adaptation au changement climatique et la réduction de celui-ci, et ça reste au point mort », regrette-t-il.

Les logiques absurdes des entreprises

Et de rebondir : « côté entreprises, les choses sont encore plus absurdes. » Toutes les grandes entreprises ont en effet publié leurs plans NET 0 qui montrent leurs prévisions d'émissions de CO2 dans les prochaines années. La plupart annoncent qu'elles vont continuer à beaucoup polluer et avancent des projets de compensation tels que le reboisement du Sud, la mise en place de nouvelles technologies de captation et de filtrage du carbone. « Mais d'abord, ces technologies ne sont absolument pas éprouvées aujourd'hui et donc loin d'être efficaces à une échelle industrielle et ensuite, le déboisement tel qu'il est fait est contreproductif, dénonce Romain Descottes. Il s'agit de mono-cultures qui viennent prendre la place de terres arables ou de communautés vives et détruisent la biodiversité. » Non seulement, ce sont des puits de carbone insuffisants mais ces plantations empiètent sur les terres qui servent à alimenter des populations indigènes et autochtones. « Si on cumule tous leurs engagements à planter des arbres, plus de 100% des terres arables de la planète seraient recouvertes, soit : finie, l'agriculture… », conclut-il, désabusé.

Température et énergies fossiles

L'autre grande déception est venue de l'impossibilité de faire mieux que l'objectif de Paris qui prévoyait de ne pas dépasser un réchauffement climatique de plus de 1,5° par rapport à l'ère préindustrielle. L'accord de Glasgow montre « des pas concrets pour la suite et des étapes très claires pour nous mettre sur les rails conduisant aux objectifs de l'accord de Paris », a expliqué Alok Sharma, Président de la COP26, justifiant les difficultés d'arriver à un consensus à l'unanimité de 200 pays. Rappelons que le réchauffement est aujourd'hui de 1,1° depuis l'ère préindustrielle et que selon les prévisions, nous devrions atteindre les 1,5° d'ici 2040. « C'est-à-dire qu'on a généré 1,1° de plus en 210 et qu'on prévoit d'en gagner 0,4 en moins de 15 ans…, c'est une courbe exponentielle », résume le syndicaliste, qui déplore des « conséquences dramatiques. » C'est à l'aune de ces chiffres fort inquiétants que se pose l'enjeu de la consommation des énergies fossiles – charbon, gaz et pétrole – principales génératrices du réchauffement climatique. L'accord de Glasgow est en ce sens le premier texte qui pointe autant les énergies fossiles, principales responsables du réchauffement de la planète, absentes dans l’accord de Paris. Mais le puissant lobbying de plusieurs États, gros consommateurs de charbon, a obtenu d'amoindrir la déclaration finale. Ainsi au lieu d’un appel à « accélérer les efforts » vers une « élimination » du charbon, la proposition est tombée à agir en vue d'une « réduction progressive ». Or, « on n'est même dans une phase de transition mais dans une phase d'expansion énergétique, pose Romain Descotes. Les médias ont présenté la chose en regrettant le manque d'accord, la lenteur de la réduction de ces énergies… Mais ce n'est pas qu'on ne va pas assez vite, c'est que nous suivons carrément une trajectoire d'augmentation de la consommation globale d'énergie au sein de laquelle la proportion des énergies fossiles est stable à 80% depuis 12 ans. Mais la consommation et la production d'énergie ayant augmenté, cela veut bien dire qu'on a brûlé plus de charbon et de pétrole. »

Une coopération syndicale renforcée

Loin d'être découragé par la COP26, ONG et syndicats sont repartis avec « une volonté claire et croissante de travailler en commun avec un maximum d'acteurs du mouvement social qui cherche à construire un projet alternatif », explique le syndicaliste. Et dans la droite ligne de l'émulation créée autour du forum syndical international sur les transitions écologiques et sociales co-animé par la CGT en juillet dernier, « il y a une volonté de trouver des alternatives syndicales pour essayer d'aller au-delà des enjeux nationaux de chacun ; de voir comment tracer des perspectives communes liées aux chaînes d'approvisionnement mondiales, à la construction d'une mobilisation internationale l'année prochaine… » Une proposition syndicale notamment portée par la CGT pour s'imposer dans l'espace public comme un acteur capable de mobiliser les travailleurs autour de ces questions-là. En attendant de faire prendre du poids à la voix syndicale sur ce plan et au-delà des actions de lobbying, les syndicats coréens ont déjà proposé d'organiser une deuxième édition du forum syndical à Séoul en septembre 2022. Pour mieux se préparer à la COP 27 qui aura lieu en Égypte et le 5e Congrès mondial de la CSI qui se tiendra  du 17 au 22 novembre 2022 à Melbourne (Australie).