Scandales sanitaires : l’impact catastrophique des méthodes lean
« Ça devait arriver », ne cesse de déplorer Maryse Treton, secrétaire de la Fédération nationale agroalimentaire et forestière (Fnaf-CGT), au sujet des différents scandales sanitaires, et notamment de la contamination par la bactérie E-Coli des pizzas Buitoni (groupe Nestlé).
Une contamination qui a provoqué la mort de deux enfants. Et d'expliquer, lors d’une conférence de presse organisée par la CGT à son siège de Montreuil (93), le 21 juin 2022, que, partout, les grands groupes de l'agroalimentaire appliquent les mêmes méthodes, notamment le lean management, avec, pour obsession, l'augmentation de la productivité et la réduction des coûts.
Or, la réduction des coûts à l'usine Spac de Caudry (59) s'est traduite par la suppression d'un métier, celui d'hygiéniste, et une augmentation du temps de production des machines grâce à la diminution du temps de nettoyage.
Temps de nettoyage rogné…
« Nous sommes passés de seize heures de production pour huit heures de nettoyage, à vingt-sept heures de production pour cinq heures de nettoyage. Et au lieu de salariés spécifiquement formés au nettoyage, ce sont des salariés de production qui en sont désormais chargés, voire des intérimaires », fustige la dirigeante de la Fnaf.
Et alors même que c'est ce constat d'une réduction des temps de nettoyage qui constitue un des éléments de la dégradation de la qualité de la production, on voit qu'aucun enseignement n'en est tiré par le même groupe Nestlé : « À l'usine Lactalis de Vallet (44), un ouvrier a été licencié pour avoir contesté la réduction du temps de nettoyage des machines », précise Julien Huck, secrétaire général de la Fnaf-CGT.
Lequel ajoute : « La qualité des productions est étroitement liée aux conditions de travail. Dans ces batailles, la disparition des CHSCT, notamment, […] limite fortement nos capacités d'intervention tout au long des process de production. »
Un mode d'organisation délétère
Présent lui aussi lors de la conférence de presse, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, explique que le lean n'affecte pas que les entreprises de l'agroalimentaire : « Il y a un mode d'organisation unique des industries. Ça a commencé dans l'automobile, mais il y a des secteurs où les effets de ces méthodes sont pires, puisqu'elles touchent ici au vivant, à l'alimentation.
C'est une organisation où le travail est prescrit, mais où les salariés doivent se démener avec le réel. Cela génère de nombreux effets induits dont des licenciements quand on ne peut pas respecter ce travail prescrit, des problèmes de qualité et, enfin, y compris le nec plus ultra, lorsqu'on dit aux salariés qu'ils travaillent mal et qu'on doit donc délocaliser. »
Une exigence de transparence
À l'usine Spac Buitoni de Caudry (59), depuis 2015, les salariés et la CGT dénoncent les conséquences de la réorganisation du travail. « À l'époque, 70 points de dysfonctionnements avaient été relevés par nos élus CGT… Depuis 2012, les services de l'État pointent des conditions d'hygiène dégradées. À aucun moment, la direction n'a alerté les élus du personnel. Il est regrettable que des rapports de ce type ne soient pas immédiatement transmis aux représentants des salariés pour imposer, en amont, des dispositions concrètes », rapporte Julien Huck.
Pour la CGT, les scandales sanitaires ne doivent rien au hasard
« Les causes [des atteintes à la sécurité sanitaire, NDLR] sont à rechercher dans les volontés patronales de réduction des coûts, économies sur les salaires, sur la reconnaissance des qualifications, sur les matières premières, sur la protection de l'environnement, sur l'état de l'outil de travail, de la recherche développement », rapporte encore Julien Huck.
Et ceci dans un contexte de conditions de travail extrêmement dégradées, mais aussi de précarité et de salaires très en dessous du reste de l'industrie. Ce n'est pas un hasard si, au cours de ces derniers mois, de nombreuses luttes ont émergé dans ces professions, qui ont pourtant assuré la continuité de production durant toute la période de la pandémie.
Une lettre de la CGT au patronat du secteur sans réponse
En avril dernier, la Fnaf-CGT a interpellé Jean-Philippe André, président de l'Association nationale des industries alimentaires sur l'ensemble de ces problématiques. Une lettre * restée sans réponse à ce jour.
https://nvo.fr/mobilisation-pour-la-deleguee-cgt-de-champicarde-menacee-de-licenciement/