Extirper les Ehpads du secteur privé lucratif
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Les personnels des Ehpad Les Escales, le plus grand centre d'hébergement public pour personnes âgées de France avec 600 résidents, sont en grève depuis le 20 février à l'appel de la CGT. Ils s'opposent à un plan de restriction budgétaire prévoyant la suppression d'une centaine de postes.
Ils ne lâchent rien. Après cinq semaines de mobilisation, les personnels des six établissements des Escales du Havre (Seine-Maritime) maintiennent la grève, faute d'avancées. En difficulté, l'établissement public est placé depuis le 14 novembre sous administration provisoire sur décision de l'Agence régionale de santé Normandie et du conseil départemental de Seine-Maritime du fait de « déséquilibres de gestion ». Mobilisés contre la réorganisation prochaine de leurs horaires, les personnels ont pris connaissance le 20 février de l'existence d'un plan d'économies budgétaires rédigé par l'Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) qui prévoitla suppression d'une centaine de postes sur les 566 employés équivalents temps plein, tous personnels confondus.
« Les Escales ont 2,5 millions euros de déficit et 13,5 millions euros de dette. Mais les personnels sont déjà dans un état déplorable du fait du manque d'effectifs et de moyens. L'enquête que nous avions réalisée sur les risques psychosociaux montrait que 70% des personnels ne vont pas bien », rapporte Tatiana Dubuc, secrétaire générale du syndicat CGT et secrétaire du CSE. Remis le 15 novembre 2021, le rapport réalisé par le cabinet d'expertise Émergences sur demande du CHSCT faisait état d'un important turn-over, d'un fort absentéisme, d'un grand nombre d'agents « faisant fonction » et d'une charge de travail trop élevée du fait d'un manque d'effectif se traduisant par « une souffrance physique et psychique » des personnels en place.
« Nous sommes cinq aides-soignantes pour 56 résidents, et ils veulent nous descendre à quatre, suite aux recommandations de l'ANAP. En 21 ans de carrière, je n'ai jamais vu ça ! Comment voulez-vous qu'on offre une bonne prise en charge aux résidents ? Qu'on ait le temps de les doucher, de leur parler. Et le weekend, c'est pire, nous ne serons plus que trois s'indigne Amandine Gaqueren, aide-soignante et élue CGT au CSE. On est avant tout là pour les résidents. On va penser à notre santé après, mais il va y avoir des accidents du travail, et encore plus d'absentéisme. Mais eux ils s'en fichent, ils ne voient que les chiffres. »
Tous les corps de métiers et services sont concernés par les manques d'effectifs. Dans l'unité de gérontopsychiatrie, les mêmes inquiétudes s'expriment. « On a des schizophrènes, des bipolaires, des sociopathes, des dépressifs, sans aucun dispositif de sécurité. Avec une aide-soignante pour 14 résidents par étage, ce qui est déjà inadmissible. Mais ils sont capables de nous mettre une seule aide-soignante pour deux étages », s'alarme Lucy Mohamed, aide-soignante en grève depuis le 20 février. Les personnels administratifs ne sont pas non plus épargnés. « Les départs ne sont pas remplacés. On nous demande sans arrêt de prioriser. Mais il n'y a que des priorités. J'arrive au travail la boule au ventre, ça m'arrive de pleurer. En février, j'ai été arrêtée deux semaines. Je n'en pouvais plus », détaille Arielle Mercier, adjointe administrative, en poste depuis 25 ans.
La colère qui a éclaté avec la grève couvait déjà avant la découverte de ce plan de réductions budgétaires. En octobre dernier, l'administration avait en effet annoncé des modifications horaires pour les infirmières opérant sur les six sites, avec un rallongement des amplitudes horaires qui devraient passer en juin à 12h au lieu de 7h15 actuellement. « Soi-disant que cela sera plus attractif pour les nouvelles embauchées et mieux payé. Mais comment vous faites pour trouver une nounou jusqu'à 21h25 ? Le syndicat est allé voir les collègues, les trois quarts n'en veulent pas », constate Amandine Gaqueren.
En grève depuis plus de cinq semaines, les personnels, soutenus par les familles de résidents, restent très mobilisés malgré une direction qui fait la sourde oreille. « On ne lâche rien, affirme Lucy Mohamed. Plus le temps passe, plus on est déterminés. De plus en plus de personnels nous rejoignent sur les piquets de grève. Les gens voient que ce plan de réduction budgétaire, ça sent mauvais. » La CGT a demandé à être reçue par l'ARS, mais l'agence régionale de santé impose que cette rencontre se passe en présence de l'administratrice provisoire, ce que refuse le syndicat. Une pétition est en circulation pour soutenir le mouvement de grève. Plus de 2 300 personnes l'ont déjà signée.
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