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élections législatives

Extrême droite : comment les syndicats organisent la riposte

26 juin 2024 | Mise à jour le 26 juin 2024
Par | Photo(s) : Jacques Demarthon / AFP
Extrême droite  : comment les syndicats organisent la riposte

Jacques Demarthon / AFP)

Des militants syndicaux multiplient les initiatives partout en France pour faire barrage à l'extrême droite, depuis l'annonce d'élections législatives anticipées. Sur le terrain, ils s'efforcent de déconstruire les idées du Rassemblement National qui prospèrent sur les illusions perdues de la classe ouvrière. De nombreuses mobilisations sont encore prévues ce jeudi 27 juin.

« Ça bouillonne partout et de manière différente, entre la distribution de tracts aux portes des entreprises, près des hôpitaux, des rassemblements à l'appel des organisations syndicales et de jeunesse, des marches des fiertés où convergent nos syndicats», se réjouit Mireille Carrot, secrétaire générale de la CGT dans la Loire. Au lendemain de la décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale et d'anticiper les élections législatives, la CGT a très vite pris ses responsabilités face au péril que constitue l'extrême droite au pouvoir.

L’appel du 18 juin

Pour la première fois dans son histoire, le Comité Confédéral National (CCN) a appelé le 18 juin « les salariés, retraités et privés d'emploi à aller voter le plus nombreux et nombreuses possible les 30 juin et 7 juillet pour le programme du Nouveau Front populaire ». « Il est minuit moins une. Toutes les forces de la CGT doivent rentrer dans la bataille pour ouvrir des perspectives de progrès et empêcher l'extrême droite d'accéder au pouvoir. Le Nouveau Front populaire s'est entendu sur un programme de rupture avec les politiques néolibérales portées par le patronat et de nombreux gouvernements. Il contient de nombreuses mesures qui reviennent sur les attaques des précédents gouvernements et des avancées structurantes pour répondre aux urgences, la reprise des dix points de la déclaration intersyndicale du 10 juin ainsi que certaines des revendications de la CGT », peut-on lire dans la note du CCN aux syndicats de la CGT. « Le programme du nouveau front populaire est celui qui répond le mieux aux attentes et aspirations des travailleuses et des travailleurs et qui ouvre le plus de possibilités de mobilisations gagnantes. Cela ne constitue certainement pas un chèque en blanc et encore moins une remise en cause de l'indépendance de la CGT qui protègera toujours sa liberté d'expression et d'action ».

Un sursaut salutaire

Depuis, des militants syndicaux ont cessé toute affaire courante pour se lancer dans la bataille. Les mobilisations, les grèves, les distributions de tracts se multiplient sur le terrain, appelant à faire front populaire contre le Rassemblement national tout en portant des revendications sociales. La journée du jeudi 27 juin devrait de nouveau être ponctuée de nombreux rassemblements à l'appel des unions départementales, des fédérations professionnelles de l'agroalimentaire, de la chimie, de l'énergie, des services publics, du spectacle… A Paris, la CGT, aux côtés d'autres syndicats, de médias indépendants, d'associations de défense des droits occupera  à 18 h la place de la République pour défendre « les libertés, au pluriel ». Partout, la société civile, les syndicats ont pris conscience de l'urgence politique, démocratique que le pays traverse. Jusqu'à la fin juin, la CGT a recensé plus de 150 manifestations sur tout le territoire. « On a jamais autant discuté politique. De nombreuses familles d'origine italienne, polonaise, espagnole, marocaine qui vivent en France depuis les années 70 s'inquiètent des positions du RN sur les binationaux. Il y a une prise de conscience du danger que le RN représente pour elles. L'appel de la CGT, la déclaration vidéo de Sophie Binet s'exprimant sans ambiguïté contre l'extrême droite ont changé la donne. Il y a une vraie réflexion de fond, y compris parmi ceux qui ont voté RN aux Européennes », observe Cédric Brun, militant à Stellantis, à Valenciennes. Son alter ego Stéphane Vonthron, de la CGT du Nord enchaîne : « on va à la gagne. L'UD s'engage en faveur du front populaire car les élections sont un outil. Mais dès le 8 juillet, on aura à lutter pour faire en sorte que le programme soit mis en œuvre ». De leur côté, l'Union Départementale CGT de la Haute-Garonne s'est fixée l'objectif de contacter directement au moins 50% des syndiqués. Dans l'Allier, des militants s'apprêtent à distribuer en porte-à-porte plus de 142000 cartes postales ; « On distribue un tract contre l'offensive réactionnaire et pour un front populaire, un front social et politique », raconte Philippe Bernardin, membre de la CGT du Cher. Cette dernière a aussi rédigé une motion que des élus syndicaux peuvent lire en séances de Comités sociaux et économiques. « Conformément à ses mandats, la CGT est acteur pour une convergence des revendications de  notre camp social pour résister, proposer et gagner contre la droite, l'extrême droite, le risque fasciste et la répression », peut-on y lire, entre autres choses. Philippe Bernardin, par ailleurs représentant syndical au sein d'une entreprise agroalimentaire, l'a lu en séance lors d'un CSE. Ce qui a eu pour effet de faire grincer des dents.

Des échanges compliqués

Au contact, les militants constatent que les idées d'extrême droite ont prospéré sur les désillusions d'une classe ouvrière se sentant trahie par la gauche. « Ceux qui adhèrent aux idées racistes du RN osent le dire aujourd'hui. Ces électeurs sont parfois des personnes au RSA qui pensent avoir un peu plus d'aides si on en pique aux travailleurs immigrés. Quelquefois, dans les maisons de Champagne, des salariés peuvent à la fois nous suivre sur nos revendications salariales, les retraites…et voter FN. Du coup, dans certaines entreprises, le débat est compliqué », constate José Blanco, secrétaire général de la CGT Champagne. Patrice Thébault, coordinateur adjoint CGT chez Airbus dresse peu ou prou le même tableau. « Dans l'entreprise, il n'y a plus de complexe à dire qu'on vote FN. Nous, on doit défendre nos valeurs, se positionner sur le terrain des revendications sociales qui ne sont pas portées par l'extrême droite. Il y a une très forte envie de renverser la table. Ce qu'il nous faut expliquer, c'est que le FN fera pire encore que la Macronie ».

Examen de conscience

Au siège de la fédération métallurgie à Montreuil, son dirigeant Frédéric Sanchez, est lucide et raisonnablement optimiste. « Outre un vote d'adhésion aux idées d'extrême droite, le fait que la mobilisation n'ait pas réussi à faire plier le gouvernement ni sur la réforme des retraites, ni sur la loi immigration, l'usage abusif du 49-3, ont écœuré les français. Le bulletin de vote RN, c'est la sanction. La métallurgie n'est pas en dehors de la société. Des militants ne souhaitent pas que la CGT appelle à faire barrage contre l'extrême droite. Pour d'autres, il est hors de question de distribuer des tracts appelant à voter Front Populaire. Des élus syndicaux disent ouvertement qu'ils ont voté RN. Nous devrons prendre toutes nos responsabilités, sans aucune retenue. On risque de perdre des adhérents, mais on peut en gagner aussi. Sinon, c'est laisser la CGT se gangréner de l'intérieur ». Entre le 10 et le 16 juin, plus de 800 hommes et femmes ont adhéré à la CGT.