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CINÉMA

Matria : portrait de femme et chronique sociale bouleversante venue de Galice

2 juillet 2024 | Mise à jour le 2 juillet 2024
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Matria : portrait de femme et chronique sociale bouleversante venue de Galice

Matria, le premier long-métrage de l'espagnol Álvaro Gago qui sort le mercredi 3 juillet sur les écrans, constitue à la fois un portrait de mère ouvrière et une chronique sociale, presque documentaire. Un film coup de poing bouleversant de sincérité.

De nos jours. Un village côtier de la Galice, au Nord-Ouest de la péninsule ibérique. Une ouvrière cumule les emplois pour survivre et gagner l'argent nécessaire aux études de sa fille, une jeune adulte émancipée. Quand un nouveau repreneur impose une baisse des salaires à l'usine où elle travaille, elle ne peut s'empêcher de hurler d'indignation et se fait virer. Ramona est une grande gueule, une battante, pas le genre à se laisser faire, pas le genre à se laisser abattre.

Précarité économique

Conditions de travail pénibles, rareté de l'emploi, salaires de misère, cumul des petits boulots de la mer… Le parcours de cette ouvrière que l'on découvre travaillant à la chaine dans une usine de sardines, à la pêche sur un bateau et qui cumule les petits boulots pour joindre les deux bouts, révèle la précarité économique des petits bourgs d'une région laminée par la désindustrialisation des années 2000. Les hommes licenciés des chantiers navals (cf. Les Lundis au soleil de Fernando Léon de Aranoa, 2003), et les femmes devenues les petites mains en deuxième ligne. Pour tordre le cou à cette réalité, il ne reste plus que l'énergie, la course permanente, la solidarité, l'humour. Jusqu'à ce que se profile un moment de répit, lorsque Ramona décroche un emploi inespéré d'aide-ménagère chez un veuf du voisinage.

Regard sur soi

L'occasion de porter un regard sur son existence, sur soi. Car c'est bien le portrait d'une guerrière que brosse Álvaro Gago dans ce premier long-métrage dont le titre, Matria, ne laisse aucune ambigüité. C'est son rôle de mère qui compte. L'existence de Ramona est tout entière tendue vers un objectif : sauver sa fille de l'atavisme ouvrier dont elle est prisonnière. Quitte à l'obliger à suivre des études qu'elle se saignera pour financer. Quitte à devoir camoufler l'argent dans une boîte à biscuit sous l'évier, dans l'appartement qu'elle partage avec son compagnon – une vie à deux qui est moins l'objet d'un désir partagé qu'une colocation nécessaire à l'économie du couple. Se dessine un portrait de femme invisibilisée, constamment à l'ouvrage, biberonnée au devoir, élevée pour servir. Et dont les désirs intimes sont tus depuis des siècles au profit des sacrifices. Violent, le choc générationnel entre mère et fille fait l'effet d'une chaîne qui se casse et résonne avec le vent de féminisme libérateur qui bouscule un modèle encore marqué par le machisme et le patriarcat. Mené tambour battant, sans misérabilisme et à hauteur de femme, ce récit bouleverse par la sincérité de son regard – à la fois proche et distancé – sur ce personnage à la fois rêche et généreux. Développé à partir d'un court-métrage homonyme réalisé en 2017, où Francisca Iglesias Bouzón jouait son propre rôle, Matria s'inscrit dans la veine d'un cinéma en prise directe avec le réel. Le portrait intime, cru, et la chronique sociale, presque documentaire, s'entremêlent naturellement dans un récit proche de ceux des frères Dardenne et de Ken Loach et encore plus de ceux de Carla Simon, figure de proue de la nouvelle vague du cinéma social et féministe espagnol. Entièrement tourné en galicien sur les lieux qui l'ont inspiré, porté par la comédienne María Vazquez – en mode ouragan –, Matria sonde, au-delà de ses apparences, l'émancipation intime de son personnage.

Matria, de Álvaro Gago. 1h39. Sortie nationale : 3 juillet 2024