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Incendies

Feux de forêt : les professionnels tirent la sonnette d'alarme

22 août 2024 | Mise à jour le 22 août 2024
Par | Photo(s) : Valery Hache / AFP
Feux de forêt : les professionnels tirent la sonnette d'alarme

Un pompier éteint un feu de forêt à Vidauban, dans le Var, le 11 juin 2024. Photo : Valery HACHE / AFP

Alors que 4000 hectares ont brûlé cette année en France et que plusieurs massifs forestiers du sud-est sont actuellement interdits d’accès en raison des risques d’incendies, les services publics en charge d’endiguer le phénomène sont à l’os. Pourtant, le réchauffement climatique rend inévitable la multiplication et l’amplification des feux de forêt en France et dans le monde.

Dix mille hectares partis en fumée dans la banlieue d’Athènes, 6% de l’île portugaise de Madère ravagés… L’été 2024 a été marqué, comme chaque année désormais, par d’importants incendies. En France, selon le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, « 4 000 hectares ont brûlé » en 2024, « contre 12 000 à la même date l'année dernière », c’est-à-dire au 19 août. Si on est loin des records de l’année 2022, où 66 000 hectares avaient brûlé, le risque de départ d’incendie reste élevé dans le sud de la France. Ainsi, lundi 19 août, Météo France a placé six départements – les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, la Drôme, l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-Orientales – en alerte orange « feux de forêt ». Ce mercredi 21 août, les préfectures de plusieurs départements du sud-est ont interdit l’accès à de nombreux massifs forestiers en raison d’un risque important d’incendie.

Réchauffement climatique

Selon les projections de Météo France, même en respectant les engagements climatiques actuels de la France dans le cadre des accords de Paris, les feux de forêt sont amenés à croître partout dans l’Hexagone d’ici la fin du siècle. Par ailleurs, les effets du réchauffement climatique sont d’ores-et-déjà perceptibles pour les professionnels. « L’aire géographique concernée par les feux de forêt ne cesse de croître. Des massifs forestiers dans des départements tels que le Jura, les Vosges ou le Maine-et-Loire, qui n’étaient pas concernés par les risques d’incendie, le sont désormais, explique Sébastien Delavoux, représentant CGT des Services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). La saisonnalité des feux de forêts s’étend également : autrefois, les feux survenaient entre juin et septembre, alors qu’aujourd’hui c’est plutôt de mai à octobre. Enfin, les phénomènes sont de plus en plus extrêmes. »

Équipement insuffisant

Pourtant, dans un communiqué publié le 5 août 2024, les professionnels chargés de lutter contre les feux de forêt alertent quant à la faiblesse des moyens alloués à cette mission. À la suite des méga-feux de 2022, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir étoffer et rajeunir les équipements de lutte aérienne : les Canadairs français devait ainsi être remplacés et leur nombre passer de 12 à 16 pour un coût de 1,2 milliard d'euros, comprenant également la mobilisation de nouveaux hélicoptères bombardiers. «Dans les faits on n’ y est pas, explique Sébastien Delavoux. Aujourd’hui, personne ne peut acheter ces avions car ils ne sont pas produits. » En effet, la chaîne de production du constructeur canadien De Havilland Canada est à l’arrêt, en raison du trop faible nombre de commandes. Les SDIS alertent également quant à la réduction du nombre de camions-citernes feux de forêt (CCF) : – 1000 depuis 2006. Enfin, Bercy a annulé 52 millions d’euros de crédits à la sécurité civile, dans le cadre des coupes budgétaires décidées par décret en février.

Moyens humains en baisse

Du côté de Météo France, où un mouvement social court depuis dix mois, les prévisionnistes réclament plus de moyens humains. Certes, 17 équivalents temps plein ont récemment ont été alloués à l’établissement public pour lutter spécifiquement contre les feux de forêt, mais ils sont loin de compenser la chute des effectifs observée ces dernières années. En dix ans, Météo France a ainsi perdu 1200 postes de prévisionnistes. « C’est un peu idiot de donner des moyens spécifiques aux feux de forêt alors que l’on a perdu beaucoup de moyens pour nos métiers de base, regrette Steven Testelin du Syndicat national de la météorologie de la CGT. Ces quelques emplois supplémentaires seront, par ailleurs, loin d’être suffisants dans la France de 2050 où le risque de feux de forêt sera bien supérieur. » Depuis novembre 2023, la prévision de la météo dans l’établissement public est automatisée, ce que dénonce la CGT. Par ailleurs, les indices permettant de prévoir les risques de feu de forêt sont établis à partir de ces paramètres automatisés. « On nous a donné des effectifs supplémentaires pour la prévision des feux de forêts. Mais comme on a pas de moyens pour la prévision des paramètres de base qui servent ensuite à faire la prévision des feux de forêt, cela rend notre mission plus compliquée », explique Steven Testelin. 

Pôle public de la forêt

Les effectifs sont également en baisse à l’Office National des Forêts (ONF) : « dans les années 1980, environ 16 000 personnes travaillaient à l’ONF, aujourd’hui nous sommes passés sous la barre des 8000 », explique Loukas Benard, secrétaire national de la CGT Forêt. Si des moyens spécifiques ont été dégagés pour défendre la forêt contre les incendies, ce redéploiement se fait au détriment des postes d’ouvriers forestiers, les professionnels en charge des travaux forestiers et de l’entretien des forêts naissantes. « Aujourd’hui, les postes d’ouvriers forestiers sont de plus en plus externalisés, ce que nous dénonçons, explique Loukas Benard. Il n’est pas possible que la lutte contre les feux de forêt se fasse au détriment de l’avenir des forêts françaises ». La gestion de la question des feux de forêt est rendue encore plus ardue par le morcellement de la propriété forestière. En France, les forêts sont détenues à 75 % par des propriétaires privés. Parmi eux, 2,2 millions, sur les 3,5 millions de propriétaires possèdent moins de un hectare. Le non-respect par certains propriétaires de l’obligation légale de l’entretien et du débroussaillage des voies d’accès aux parcelles compliquent l’intervention des équipes en cas d’incendies. Pour mettre fin à cette situation, la CGT propose notamment la création d'un pôle public de la forêt et des espaces naturels regroupant toutes les composantes étatiques concernées par cette thématique ainsi que l'ONF.