17 mars 2025 | Mise à jour le 17 mars 2025
L’enseigne de vente à distance souhaite transférer chez ID Logistics les 322 salariés qui confectionnent et expédient les colis. Ceux-ci craignent des pertes d’avantages et une aggravation des conditions de travail. Ils se mobilisent, soutenus par la CGT et FO.
« Vous pouvez être fiers de vous, il n’y a aucune défaite ! » « Il y a plein de moyens de poursuivre la lutte si nous restons nombreux et solidaires ! » Ce 14 mars en fin de matinée, trois élus FO et CGT se relaient au mégaphone dans le hall du siège de La Redoute, à Roubaix (Nord). La courte assemblée générale qui précède un rendez-vous avec la direction, s’achève par le slogan répété en boucle : « On lâche rien ! » La veille, le tribunal judiciaire de Lille a ordonné la levée du piquet de grève devant l’entrepôt logistique, installé à Wattrelos, sous astreinte de 400 euros par personne, estimant que « le blocage du site constitue un trouble manifestement illicite ».
« Partenariat stratégique pour développer le potentiel »
Tout débute le 6 février, quand le groupe annonce un « partenariat stratégique avec ID Logistics » : La Redoute lui transférerait les contrats de travail des 322 salariés, conservant le bâtiment et les machines, tandis que les deux entreprises signeraient un contrat commercial. Officiellement, il s’agit de « développer le plein potentiel » de l’entrepôt « en accueillant de nouveaux clients et marques tiers sur un site qui n’est utilisé qu’à 50% ». Selon la direction, ni les congés d’ancienneté, ni les horaires de travail ne seront modifiés. Les salariés se demandent ce que valent de tels engagements pris au nom d’un autre, non représenté à la table des négociations, qui doit devenir leur employeur au 1er juin.
L’avocat des salariés dénonce un « marchandage illicite »
« J’analyse cette opération comme un prêt de main d’œuvre à but lucratif ou un marchandage, formellement interdits par la loi », tranche l’avocat des salariés, Me Mario Califano. Outre le passage de la convention collective de la Vente à distance à celle du Transport, moins-disante, il ajoute que « les accords internes à La Redoute comprenant des avantages complémentaires sont remis en cause : intéressement, participation, prime de transport, part de la masse salariale dédiée aux activités sociales et culturelles… »L’avocat précise que l’expert du CSE a chiffré le coût salarial horaire actuel à 33 euros, tandis « que le point mort de rentabilité d’ID Logistics est à 25 euros ». Une économie qu’il faudra bien chercher quelque part. Où ? Rencontrés sur le piquet de grève le 10 mars, les salariés ont leur petite idée. « Ils nous imposeront des cadences qu’on ne pourra pas suivre », assure Bruno. Car comme lui, 30% de ses collègues souffrent d’un handicap et bénéficient d’aménagements de postes ou de temps partiels thérapeutiques. Des handicaps pour beaucoup dus « aux conditions de travail », dénoncent Chantal, Sylvie et Dorothée : gestes répétitifs, station debout prolongée, bruit…
« Beaucoup de salariés pensaient finir leur carrière à La Redoute et se sentent trahis. » Smaïl Bella, délégué central CGT
« Beaucoup de salariés pensaient finir leur carrière à La Redoute et se sentent trahis », commente Smaïl Bella, délégué central CGT. En plus du maintien des acquis, il revendique une « prime de transfert » de 100 000 euros. Un chiffre qui ne vient pas de nulle part. Fin janvier, la direction a révélé que 44,5 millions d’euros venaient d’être virés sur les comptes de l’entreprise. Cette somme représente le reliquat des 180 millions d’euros versés par Kering pour financer le « plan social » accompagnant les 1 178 licenciements, lorsque l’entreprise avait été revendue en 2014 à deux de ses cadres pour un euro symbolique (1). Bloqués pendant dix ans dans une fiducie, ces 180 millions d’euros n’ont donc pas été entièrement consommés. « Cet argent, on l’a arraché dans la lutte », insiste Smaïl Bella. Lors de la réunion du 15 mars, la direction a, pour la première fois, évoqué le versement d’une prime de transfert… de 1 400 euros. Devant le montant annoncé, FO et la CGT ont alors quitté la salle.
(1) Depuis, La Redoute a été rachetée par le groupe Galeries Lafayette.