17 juin 2025 | Mise à jour le 17 juin 2025
Après plusieurs restructurations et une procédure judiciaire, la populaire enseigne de prêt-à-porter aux lettres roses, a été partiellement reprise par le groupe breton Beaumanoir et Celio. Seuls un tiers des emplois et 33 magasins sont sauvés et la logique financière continue de casser le marché de l'habillement français.
Explosion des coûts, baisse du pouvoir d’achat, mutations du marché textile, concurrence internationale toujours plus agressive mais aussi logique financière à tout crin… Les facteurs qui ont eu raison de l'enseigne de prêt-à-porter Jennyfer, placée en liquidation judiciaire fin avril, sont nombreuses. Fondée en 1984, elle comptait pourtant encore 220 magasins en France et 80 à l’international, et revendiquait environ 250 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, mi-2024. Après des coupes dans les effectifs, un redressement judiciaire, un changement de nom (Don’t call me Jennyfer), une liquidation, la marque a finalement été partiellement reprise, le 12 juin dernier, par le groupe breton Beaumanoir (Caroll, Bonobo ou Cache Cache) qui l'avait déjà avec d'autres enseignes telles La Halle, Caroll, Sarenza et Boardriders). 384 salariés seront maintenus en poste (dont 150 reclassements pour les employés de boutiques non reprises) et 26 points de vente de la marque continueront donc d'ouvrir leurs portes. Sept autres magasins et 47 employés ont par ailleurs été repris par l'enseigne de prêt-à-porter pour hommes Celio. Une offre d'un coût de 2 millions d'euros qui aura été préférée par le Tribunal de Commerce à celles proposées notamment par Pimkie et Jules.
« Dès maintenant, plus de 600 travailleurs de l'enseigne perdent leur emploi ». Elodie Ferrier, secrétaire fédérale CGT Commerce et Services
La fédération CGT Commerce et Services qui réclame un « encadrement législatif et réglementaire, afin que le patronat ne puisse plus liquider des entreprises à coups de montages financiers ». « On ne peut se satisfaire d'une sauvegarde partielle, explique Élodie Ferrier, secrétaire fédérale en charge de l'habillement. Dès maintenant, ce sont plus de 600 travailleurs de l'enseigne qui perdent leur emploi». Excepté au siège et dans les entrepôts, les salariés de Jennyfer sont majoritairement des jeunes femmes à temps partiel et avec une faible ancienneté due à un turn-over important. Et de pointer le problème de fond qui « n'est jamais traité. Certes, des entreprises se positionnent en tant que repreneurs de certains magasins mais le fond du problème reste. Des entreprises qui bénéficient de fonds publics, au titre du maintien des emplois et de celui des niveaux de salaires par rapport au SMIC par exemple, en profitent pour mener des plans sociaux qui rapportent des paquets de dividendes à leurs actionnaires malgré les fermetures de rideaux et les emplois que cela coûte ». À l'inverse, la CGT réclame que ces entreprises soient contraintes à des contreparties concrètes de maintien de l'emploi et de transparence de l'usage de ces aides. Pour rappel : selon l'alliance du commerce, 37 000 emplois ont été supprimés dans les secteurs français de l'habillement et de la chaussure en dix ans, dont 4 000 seulement en 2023.
Déclin d'un secteur
Camaïeu, San Marina, Kookaï, Kaporal, Naf Naf …, la liste est longue des enseignes dont la logique financière a provoqué une casse sociale de grande ampleur. Dans un contexte de crise, plusieurs marques de prêt-à-porter multiplient les tentatives de survie. On se souvient, par exemple, de la liquidation judiciaire de Camaïeu qui avait entrainé 2 600 licenciements fin 2022 ; de la disparition de San Marina, qui en février 2023, avait englouti 680 emplois ; à la fin de l'année, le redressement de Kookaï avait, lui, coûté 150 postes sur un total de 220 salariés ; et dans la foulée, en janvier 2024, la cession de Minelli à une PME s'était faite au détriment de 392 emplois. Aujourd'hui, c'est Naf Naf qui à peine rachetée a de nouveau – pour la troisième fois de son histoire – été placée en redressement judiciaire en mai, tout comme le chausseur André qui a subi la même procédure trois fois en cinq ans. Quant au réseau C&A, il en est à son huitième plan de sauvegarde de l'emploi depuis 2017, avec 800 suppressions de postes et 99 fermetures de magasins. « On a vraiment le sentiment qu'ils réduisent progressivement le parc de magasins pour qu'une possibilité de reprise potentielle subsiste lors du redressement judiciaire, ce qui permet moins de dépenses de licenciements », conclut la syndicaliste.