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Colas Mayotte : la grève pour obtenir une « prime Chido »

10 avril 2025 | Mise à jour le 10 avril 2025
Par | Photo(s) : DR
Colas Mayotte : la grève pour obtenir une « prime Chido »

A Mayotte, les salariés de l’entreprise de BTP Colas se battent depuis des semaines pour réclamer une « prime Chido », du nom du cyclone qui a ravagé l’archipel en décembre. Plus généralement, la CGT Mayotte revendique un alignement sur le reste de la France des droits sociaux et du droit du travail, dans ce 101e département français.

Les grévistes de Colas Mayotte sauront ce vendredi si la justice leur donne à nouveau raison. Fin mars, le tribunal avait en effet jugé que leur piquet de grève, installé depuis plusieurs semaines devant le siège de Colas à Mamoudzou, chef-lieu de l’archipel, n’enfreignait pas la loi. Quelques jours plus tard, l’entreprise de BTP a cependant déposé une nouvelle assignation. La grève avait démarré le 25 février chez ETPC. Cette entreprise d’environ 200 salariés, installée dans la commune de Koungou, est une filiale de Colas (groupe Bouygues) qui exploite une carrière de granulats et fabrique des parpaings et des bordures. Principale revendication ? Le versement à chaque salarié de 3 000 euros de « prime Chido », du nom du cyclone qui a ravagé Mayotte à la mi-décembre.

Colas et Vinci se partagent le marché

« Colas est l’entreprise la plus rentable de Mayotte », assure Saïd Mcolo, délégué CGT chez Colas Mayotte, joint au téléphone. Pour lui, cette prime, qui représente « une petite goutte d’eau » dans un océan de profits, est d’autant plus méritée qu’« au lendemain du passage de Chido, Colas a rappelé tous ses salariés, qui ont répondu présents pour aider à déblayer et remettre sur pied l’entreprise ». Quant aux nombreux chantiers que nécessite la reconstruction de l’île, ils bénéficient grandement à Colas, qui se partage avec Vinci le marché du BTP à Mayotte.

 

« Le directeur ne discute de rien, il fait son speech et estime qu’on est obligé de dire oui. » Saïd Mcolo, CGT Colas Mayotte

Saïd Mcolo dénonce un dialogue social inexistant dans l’entreprise : « Le directeur ne discute de rien, il fait son speech et estime qu’on est obligé de dire oui. » Malgré les discussions engagées en CSE et la médiation ordonnée par la Direction de l'emploi de Mayotte, la direction a dégainé unilatéralement une prime de partage de la valeur (PPV, dite « prime Macron ») de 500 à 1 800 euros selon le niveau de salaire et rien pour ceux qui gagnent plus de 2 800 euros. Pourtant, souligne Saïd Mcolo, « Chido n’a pas choisi » les maisons qu’il a détruites en fonction du niveau de salaire.

Au bout de quatre semaines, la grève a été suspendue chez ETPC, notamment à cause d’une ordonnance de référé du 20 mars qui, elle, imposait la levée de ce premier piquet de grève, sous astreinte de mille euros. Mais entre-temps, le mouvement s’était étendu au siège de Colas Mayotte à Mamoudzou, où il perdure aujourd’hui. Il a même trouvé du carburant dans les négociations annuelles obligatoires (NAO) qui ont démarré depuis. Là encore, le fossé est large : la CGT revendique à nouveau une prime Chido de 3 000 euros, une prime de transport de 300 euros et une augmentation générale des salaires de 9 %, quand la direction ne met que 3 % sur la table.

Eau, transports, écoles, hôpital, prison : un Etat défaillant

En déplacement à Mayotte à la mi-mars, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a constaté et dénoncé le comportement de la direction de ETPC et de Colas Mayotte, notamment son « acharnement judiciaire ». Elle a également pu toucher du doigt les défaillances majeures de l’Etat dans ce territoire, devenu 101e département français en 2011. « Le problème numéro 1, c’est la distribution de l’eau, avec des coupures régulières et une eau du robinet impropre à la consommation », témoigne Boris Plazzi, chargé des questions internationales au bureau confédéral, qui faisait partie de la délégation.

Pas de salle d’attente à la maternité

Tous deux ont visité le centre hospitalier de Mayotte, dont « la maternité n’a pas de salle d’attente », les futures mamans étant réduites à « attendre sur le parking, assises ou couchées à même le sol ». « Dans certains bâtiments, poursuit Boris Plazzi, les toits ne sont pas réparés, il y a 10 cm d’eau, les fils électriques pendent, le matériel médical manque… » Le reste est à l’avenant : le centre pénitentiaire de 278 places compte 730 détenus, les transports publics sont inexistants, les enfants sont accueillis dans les écoles par alternance, seules deux des quatre barges qui relient habituellement Grande-Terre et Petite-Terre – les deux îles principales de l’archipel – fonctionnent, la piste de l’aéroport est trop courte pour accueillir des avions gros porteurs…

Zone franche pour les patrons, Smic au rabais pour les salariés

Après une loi d’urgence pour Mayotte votée en février, une loi de « refondation » sera prochainement débattue au Parlement. On en connaît déjà une mesure phare : le placement de Mayotte en zone franche, qui exempterait les entreprises d’impôts et de taxes pendant cinq ans. La CGT Mayotte en attend bien autre chose. Exemple parmi beaucoup d’autres : le Smic local est inférieur de 25% à celui pratiqué ailleurs en France. L’alignement de son montant n’est prévu qu’en « 2031 pour le Smic net et en 2036 pour le Smic brut », dénonce Saïd Mcolo, par ailleurs secrétaire général adjoint de la CGT Mayotte.

Dans un avis sur le projet de loi, la CGT Mayotte revendique notamment « un alignement véritable [sur le reste de la France] de tous les droits sociaux », et « un alignement du Smic, des retraites, une application pleine et entière de toutes les conventions collectives nationales, l'instauration obligatoire des mutuelles santé et retraite ». C’est pour présenter ces réalités et ces revendications que la CGT et la CGT Mayotte ont invité les groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, sauf le Rassemblement national, à une mission parlementaire sur place, du 28 avril au 3 mai.