Tout quitter
Un blaireau agressif, quelques oies épisodiques, un troupeau de moutons noirs, une bicoque déserte et sommairement meublée sur un terrain en friche, tel est le refuge de celle que nous connaitrons longtemps que comme « elle ». Qui a fui un passé douloureux pour s'apprêter à vivre un futur incertain et tenir autant que possible la souffrance à distance.
Occupant ses mains à des tâches prosaïques pour éviter de penser au lendemain, elle se raconte à elle-même qu'elle est venue terminer sa thèse sur la poétesse Emily Dickinson. Elle n'est pas dupe, le lecteur non plus qui apprend par bribes les raisons de ce détour, de cette parenthèse qui pourrait bien être la dernière. Le voisinage est rare. Au village, un couple de boulangers chaleureux, un homme bizarre et intrusif, dont les moutons pâturent autour de cette ferme sans propriétaire, puis un tout jeune randonneur auquel elle offrira gîte et couvert vont peupler cette retraite volontaire…
Traversant une grave dépression lorsqu'il a écrit ce texte, l'auteur néerlandais Gerbrand Bakker l'a imprégné d'une gravité qui se teinte pourtant d'humour, brossant le portrait profond d'une femme blessée mais fière et résolue à tout quitter.
« Le détour » de Gerbrand Bakker.
Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham.
Folio Gallimard. 307 p., 7,50 €.