9 novembre 2014 | Mise à jour le 18 avril 2017
Cinquante-six ans après la disparition de son père, Maurice, enlevé à Alger par les parachutistes français, Michèle Audin convoque les souvenirs de la vie brève de ce jeune mathématicien brillant, militant du Parti communiste algérien et sans doute mort sous la torture.
« … J’imagine d’autres personnes qui examinent peut-être aujourd’hui la même photographie, et scrutent les visages de ces vingt jeunes gens en essayant de leur ajouter des rides, de l'embonpoint, de leur éclaircir les cheveux, de leur en retirer, pour tâcher de reconnaître un vieux père ou un grand-père blanchi, chauve et ventripotent. Lui n’a pas vieilli. Jeune éternellement… »
Ainsi s'exprime Michèle Audin, mathématicienne, écrivaine membre de l'Oulipo, dans le livre qu'elle consacre à son père, Maurice Audin, disparu à Alger en avril 1957 après avoir été arrêté par les parachutistes français et plus que probablement mort sous la torture. Militant du Parti communiste algérien et mathématicien prometteur, Maurice Audin avait 25 ans et laissait une femme, Josette Audin, et trois jeunes enfants.
Les historiens, le Comité Audin, ont vainement cherché à faire toute la lumière sur cette disparition, symbolique de « la guerre sans nom ». Dans Une vie brève, Michèle Audin, elle préfère chercher toutes les traces, aussi infimes soient-elles, de ce jeune papa trop tôt enlevé à l'amour des siens. Elle questionne les témoins, scrute les photos, décrypte les archives, pour y déceler quel était son caractère, ses goûts, ses idées. Dignement, elle lutte à sa manière pour que cette mémoire qui dérange ne soit ni effacée, ni oubliée.
Une vie brève. Gallimard, 17,90 €.