Née le 7 avril 1915, Billie Holiday (née Eleanora Fagan Gough) fut, sans conteste, la plus déchirante des chanteuses de jazz. Et si sa courte vie fut une succession de tragédies, elle les sublima dans un art vocal instinctif au prix de nombreux sacrifices pour survivre et travailler en terre ségrégationniste et dans un monde machiste…
C'est à celle que l'immense saxophoniste Lester «Prez»Young surnomma Lady Day que José Muñoz et Carlos Sampayo rendent un hommage graphique de toute beauté avec cette BD au noir et blanc percutant et au propos qui ne l'est pas moins.
L'avant-propos documenté, signé du maître es jazz Francis Marmande, ne jette aucun voile sur le parcours de celle qui deviendra une star et qui est issue – et elle-même victime – d'une lignée de femmes noires humiliées, esclaves, violées, battues, prostituées. Billie a connu dès l'enfance la violence, puis la drogue, l'alcool, mais aussi la gloire et la richesse. Et, surtout, Billie fut une musicienne d'exception.
Et le fin connaisseur du jazz de s'interroger : «On se demande sourdement : comment a-t-elle tenu? De quelle nature son plaisir dans ce fond ? De quelle eau, cette énergie à créer le jazz dans ces trous mortels qui l'aspirent ?»
Les planches crues de José Muñoz évoquent ces ténèbres trouées par l'éclair blanc d'un projecteur, la lumière crue d'un lampadaire, la lampe torche d'un flic ou l'éclat d'un gardénia dans les cheveux de Lady Day. A l'occasion du centenaire de sa naissance, la réédition de cette BD puissante éclate comme un riff de sax.
«Billie Holiday»
de José Muñoz et Carlos Sampayo,
Casterman, 90 p., 20 €.
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