Le fascisme ne passera pas ?
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« On… On retourne en Syrie ? – Evidemment, c’est bientôt la rentrée… Tu vas pas passer ta vie en vacances ! L’Arabe du futur va à l’école ! » On avait laissé la petite tête blonde morte de trouille devant l'annonce de son père. Riad Sattouf, 6 ans, allait entrer à l’école et affronter Anas et Moktar, des cousins qui allaient le « tuer » parce qu’ils le croient juif à cause de ses « cheveux jaunes de fils de juive ». Terreur d’enfant qui en dit long.
Dans L’Arabe du futur 1, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984), le dessinateur (et cinéaste) initiait un récit autobiographique qui retraçait sa petite enfance ballottée entre la Libye de Kadhafi, la Syrie d'Hafez al-Assad et les vacances en Bretagne, chez sa grand-mère. Fils d'un père syrien venu faire son doctorat en France et d'une mère française, le petit Ryad grandit d'abord à Tripoli, en Libye, où son père décroche un poste de professeur à l'Université.
Issu d'une famille pauvre, passionné de politique et fervent défenseur du panarabisme, Abdel-Razak Sattouf voue un culte absolu aux grands dictateurs arabes, symboles, selon lui, de modernité et de puissance, à l'image de ce petit taureau en plastique qui trône sur la télévision familiale. Quand on lui demande ce qu'il pense de Kadhafi, de Assad, il répond : « Bien sûr que ce sont des dictateurs ! Je ne suis pas idiot ! Mais chez les Arabes, c’est différent… Il faut être dur avec eux. Il faut les forcer à s’éduquer, à aller à l’école… Si tu leur demandes leur avis, ils ne feront rien, ce sont des feignants et des bigots alors qu’ils ont les mêmes potentiels que les autres… »
Dans L’Arabe du futur 1, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984), le dessinateur (et cinéaste) initiait un récit autobiographique qui retraçait sa petite enfance ballottée entre la Libye de Kadhafi, la Syrie d'Hafez al-Assad et les vacances en Bretagne, chez sa grand-mère. Fils d'un père syrien venu faire son doctorat en France et d'une mère française, le petit Riad grandit d'abord à Tripoli, en Libye, où son père décroche un poste de professeur à l'Université.
Issu d'une famille pauvre, passionné de politique et fervent défenseur du panarabisme, Abdel-Razak Sattouf voue un culte absolu aux grands dictateurs arabes, symboles, selon lui, de modernité et de puissance, à l'image de ce petit taureau en plastique qui trône sur la télévision familiale. Quand on lui demande ce qu'il pense de Kadhafi, de Assad, il répond : « Bien sûr que ce sont des dictateurs ! Je ne suis pas idiot ! Mais chez les Arabes, c’est différent… Il faut être dur avec eux. Il faut les forcer à s’éduquer, à aller à l’école… Si tu leur demandes leur avis, ils ne feront rien, ce sont des feignants et des bigots alors qu’ils ont les mêmes potentiels que les autres… »
En 1984, la famille rejoint Ter Maaleh, le village natal des Sattouf, près de Homs, en Syrie. C'est la découverte des codes machistes, de la brutalité de la vie paysanne traditionnelle avec, en prime, ses cousins aux trousses. Alors que sa mère est effacée et épuisée par l'arrivée d'un petit frère, son père, fantasque, lui tient des discours virils : « Tu vois, c'est ça qui est génial avec la terre. Elle te donne les plantes que tu cultives, et la viande que tu peux chasser avec ton fusil… Tu n'as besoin de personne quand tu as la terre. Des terres et un fusil. Voilà tout ce qu'il faut à un homme », explique-t-il à son fils lors d'une sanglante et ridicule partie de chasse aux moineaux, faute de mieux. Ce père qui subit l'indifférence quand il réclame l'aide d'un cousin général mégalo et proche du régime, pour obtenir de l'avancement, qui revoit son rêve de « villa de luxe » à « une villa de haute qualité », qui, radin fini, peste contre les prix exorbitants du marché noir de Homs. Mais rien n'est plus fort que son adoration pour son père, lui qui n'a qu'une idée en tête : que son fils aille à l'école syrienne, devienne un Arabe moderne et éduqué, un Arabe du futur, un docteur comme lui.
Cette nouvelle étape, centrale dans le tome 2, donne au dessinateur une nouvelle occasion d’exercer un regard candide, mais sans concession, sur les codes d’une société archaïque. Elle se révèle autoritaire (la maîtresse qui frappe fort et sans appel), dévote (les cousins bouleversés par une page du Coran trouvée au milieu des déchets : « Celui qui l'a jetée ira en enfer. »), ignorante (« Vous, vous m'amenez vos enfants quand je peux encore faire quelque chose pour eux… Ici, on m'amène les enfants quand ils sont déjà morts », explique le pédiatre, épuisé) et encore régentée par les crimes d'honneur (l'assassinat de la cousine Leila par deux hommes de la famille, parce qu'elle s'était retrouvée enceinte hors mariage, reste un épisode des plus durs du livre).
Avec respect et sobriété, Sattouf dresse un tableau passionnant, et son regard d'enfant rappelle bien sûr le magnifique Persepolis de Marjane Satrapi. Servi par un dessin à la fois minimaliste et précis, tout comme l'usage minimal de la couleur qui marque simplement les changements d'univers, sa délicatesse se place dans le détail et l'humour : « La maîtresse portait un hijab et mettait toujours des jupes serrées et très courtes. Elle avait des mollets énormes et portait des talons très fins », annonce l'auteur. « Comment tenait-elle debout là-dessus ? », se demande discrètement l'enfant, pointant d'une petite flèche la maigreur de la tige coiffée d'un mollet d'éléphant.
L’Arabe du Futur 1, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984), de Riad Sattouf, Allary Editions,160 pages, 20,90 €, sorti en mai 2014, Prix du Meilleur Album du Festival international de la Bande Dessinée d'Angoulême 2015.
L’Arabe du futur 2, Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985), de Riad Sattouf, Allary Editions, 160 pages, 20,90 €, sorti le 11 juin 2015.
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