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LIVRE

Un roman décapant

5 août 2015 | Mise à jour le 6 mars 2017
Par | Photo(s) : JF Paga
Un roman décapant

Avec le tome 2 de « Vernon Subutex », Virginie Despentes poursuit avec brio sa trilogie autour d'un anti-héros, ancien disquaire devenu SDF. Sa descente, qui inquiète ses anciennes connaissances, va les réunir. Une fresque générationnelle que l’on dévore.

« Fous le camp d’ici. Les gens n’ont pas envie de voir ta sale gueule de feignasse le matin, en ouvrant leur fenêtre. Dégage. » Ça ne s’arrange pas pour Vernon Subutex, dont on a suivi la descente dans le premier tome. Délogé de son banc à coup de jet d’eau, par un agent municipal, il doit se trouver un abri fissa. Une maison abandonnée du côté du Sacré-Cœur fera l’affaire.

A priori, son sort n’inquiète que Charles, un voisin alcoolo qui a touché le pactole ; la brave Jeanine, qui lui apporte quelques victuailles ; ou Laurent, qui s’y connaît côté galères de la rue. Pourtant, ses anciennes connaissances le cherchent. Emilie, Xavier, Patrice, Pamela… ont repris contact via Facebook pour retrouver Vernon, leur ancien disquaire à la dérive. Et, avec lui, quelques fragments de leur jeunesse rockeuse.

SALVES PERCUTANTES

Au fil des retrouvailles, on suit une brochette de personnages pas mal désappointés du haut de leur cinquantaine, présents dans le tome 1. On les retrouve ici plus rageurs, tel Patrice, en CDD dans un centre de tri. Le titre du journal abandonné sur une chaise du troquet – « Le résultat des élections en Italie inquiète les marchés financiers » – lui provoque « une giclée de colère à l’arrière du cortex ». « […] les riches ont déclaré la guerre au monde. Pas seulement aux pauvres. À la planète. Et avec l’appui complaisant des médias, on prépare l’opinion aux réformes sauvages. » Ça le rend fou. Il enrage encore de voir ses jeunes collègues de boulot donner raison à Marine Le Pen : « Bougres d’imbéciles, comment peuvent-ils ne pas comprendre qu’on les monte les uns contre les autres, quand on les chauffe à blanc pour qu’ils cognent sur leurs voisins de palier ? » Par la voix de Patrice, Virginie Despentes envoie des salves bien senties.

PLATINES ENCHANTERESSES

Même chose avec l’enregistrement des dernières paroles de l’ami de Vernon, Alex Bleach, chanteur devenu millionnaire, quand il se désole des années 1990 : « Vite, vite, encore une page de pub, une subvention, deux sponsorings et vous me rajouterez un petit partenariat, vous me le mettrez bien aliénant, que je sente la laisse quand je veux courir ? Il était superbe, ce nouveau monde, fallait être con pour ne pas y croire. »

Vingt ans après, les uns et les autres qui gravitent autour de Vernon ne croient toujours pas à la beauté de ce monde. Ils redoutent la solitude, la connerie ambiante, la crapulerie des puissants, le racisme sans complexe. Du coup, ils s’accrochent à Vernon Subutex comme à leur jeunesse passée, et dansent à tout rompre autour de ses platines. Superbe !

Mise en page 1

 

 

Vernon Subutex 2
de Virginie Despentes
Ed. Grasset, 383 pages, 19,90 euros.