9 novembre 2015 | Mise à jour le 28 février 2017
Avec Une histoire de fou, fiction qui recouvre les trois quarts du XXe siècle, Robert Guédiguian apporte sa pierre à l'édifice de la reconnaissance du génocide arménien. Et prolonge la réflexion humaniste développée tout au long de sa filmographie.
Bien sûr, il y avait eu Le Voyage en Arménie, en 2006, où Ariane Ascaride incarnait une médecin française qui découvrait ses racines arméniennes en partant sur les traces de son vieux père malade et fuyard. Mais il aura fallu ce dix-neuvième film pour que Robert Guédiguian, l'Arménien, aborde de front la question politique de son identité.
« J'aime penser que les moments les plus importants de l'histoire ne se produisent pas sur les champs de bataille ou dans les palais, mais dans les cuisines, les chambres à coucher ou les chambres d'enfant. » Cette phrase empruntée à l'écrivain israélien David Grossman donne le ton au récit qui s'inscrit en droite ligne d'une filmographie depuis toujours ancrée à gauche et dans un humanisme universel avant tout.
Le film a plusieurs forces. D'abord, celle de s'inspirer d'une histoire vraie incroyable : La bombe, un récit autobiographique de José Gurriaran, jeune journaliste espagnol qui, en 1981, à Madrid, saute sur une bombe posée par des militants de l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie, l'Asala.
Il en sort à moitié paralysé et sa vie bascule : il ne sait rien de l'Arménie, mais va s'y intéresser pour tenter de comprendre ; il va même rencontrer ses bourreaux et, finalement, adhérer à leur cause.
Ensuite, c'est l'histoire arménienne transposée au cœur de la fiction, et l’histoire de cet attentat perpétré en 1971, qui fit sauter la voiture de l'ambassadeur de Turquie et blessa gravement un jeune cycliste…
Enfin, pour aborder le génocide en tant que fait historique, Guédiguian s'épargne la reconstitution. Il parie sur l'originalité d'un prologue en noir et blanc, dans un tribunal : au cours de son procès, Soghomon Tehlirian, dont la famille a été entièrement exterminée, raconte comment, en 1921, il a exécuté en pleine rue, à Berlin, Talaat Pacha, principal responsable du génocide arménien. Il témoigne du premier génocide du XXe siècle et sera acquitté par un jury populaire.
La lutte armée est-elle justifiable pour se faire entendre, aussi juste soit la cause défendue ? C'est la question que pose Guédiguian en filigrane.
À travers cette affaire d'immigration et de mémoire historique qui crie vengeance, la tragédie se répète et résonne d'actualité à plus d'un titre.
Une histoire de fou, réalisé par Robert Guédiguian.
2 h 14. Sortie nationale : le 11 novembre 2015.