De l’art en barre
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Voilà trois semaines que les artistes s'affairent rue d'Aubervilliers dans le XIXe arrondissement parisien. Au pinceau ou à la bombe, ils s'attèlent à réaliser, en mêlant leurs styles comme leurs couleurs, une immense fresque sur 400 mètres. Une palette bienvenue dans un coin bien grisâtre et en plein chantier. Une zone abandonnée où les gamins se castagnent et en viennent à jouer du couteau, sous prétexte d'habiter dans le XVIIIe ou le XIXe.
À l'origine du projet, l'association GFR, un collectif rassemblant des passionnés d'art et d'urbanisme, qui a mené plusieurs projets participatifs dans les quartiers dits sensibles. « Ce fut notamment le cas à la Goutte d'or, sur le thème de l'immigration ou de la place des femmes, lors de la Nuit blanche 2015 », raconte Martial Buisson, directeur de l'association. Là, c'est à l'occasion de l'ouverture prochaine de la gare RER Rosa Parks que l'idée de monter un mur-forum a germé. Rosa Parks qui refusait, il y a 60 ans, de céder sa place à un homme blanc dans l'autobus, et qui donna le point de départ du mouvement des droits civiques aux États-Unis : tout un symbole de la lutte contre les discriminations et du « vivre-ensemble » à exploiter pour réinvestir un brin le quartier.
Début octobre, avec l'aide des associations du coin, des ateliers proposant débats et initiations artistiques ont eu lieu chaque mercredi et samedi. À partir des paroles récoltées auprès des habitants, rencontrés lors des ateliers ou simples passants, les artistes ont pu œuvrer.
Ainsi, Tatyana Fazlalizade, artiste afro-américaine, qui travaille sur le harcèlement de rue et la place des femmes dans l'espace public, est allée voir les femmes du quartier, a tiré le portrait d'une dizaine d'entre elles avec leur slogan, dont chacun prendra place sur le mur. Bastardilla, Colombienne, a travaillé, elle, sur l'idée de frontières, en peignant de grands oiseaux migrateurs colorés qui se transforment en humains. « Une idée force ici, explique la directrice artistique du projet, Véronique Drougard, quand les jeunes s'affrontent pour une question de territoire. »
« L'égalité est un droit », « L'amour est ma religion », « Le savoir est pour tous »… Zepha métisse couleurs, écritures et calligraphies où apparaissent des messages glanés auprès des habitants, certains visibles, d'autres recouverts de latex, qu'on découvrira lors de l'inauguration du mur. Contraste avec la fresque en noir et blanc de Katjastroph qui mêle allégories et symboles populaires comme le dragon de l'Apocalypse ou le 3e œil. La femme à l'horizontale qui nous observe ? « C'est elle qui sait notre avenir incertain… À nous d'agir », sourit la jeune artiste, pinceau en main.
Et voilà, le mot Paix en blanc, qui pète sur un fond coloré d'écritures effectué par des enfants lors d'un atelier mené par Kashink 1. Natte haut perchée, moustache dessinée, la graffeuse parisienne explique que c'est le mot qui est apparu évident, au lendemain des attentats. Elle a senti l'enthousiasme des badauds de voir des gens dehors, en train de peindre un mur, alors que la ville était tétanisée. La couleur pète dans ses personnages protéiformes, qu'elle affuble de mots d'amour. Des messages précieux en ces temps guerriers.
1 L'artiste s'expose les 19 et 20 décembre au théâtre de l'Européen – 5 rue Biot – Paris 17e.
Mur-forum Rosa Parks, à découvrir du 104 au 164 rue d'Aubervilliers – Paris 19e.
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