Placard doré
Claire et Antonin vivent « du bon côté de la barrière ». Elle est cadre marketing chez Nutribel, une grande entreprise agroalimentaire ; il est trader dans les métaux. Tous deux sortent de grandes écoles et gèrent leur vie plus qu'ils ne la vivent. Tout est planifié en fonction de leurs sacro-saintes carrières, de l'ascension sociale qui, pensent-ils, les protège de tous les accidents de la vie.
Un couple tellement bien formaté qu'il en devient une caricature, chacun étant le miroir de l'ambition de l'autre. S'il est vrai qu'il vaut mieux être jeune, en bonne santé et riche que vieux, pauvre et malade, ces deux-là ne semblent pas avoir conscience de l'impermanence de toute chose…
Venue de sa province où elle s'ennuyait ferme, Claire ne semble apercevoir ses contemporains qu'à travers le prisme de la consommation et des statistiques qui les rangent dans telle ou telle catégorie d'acheteurs potentiels des produits qu'elle doit promouvoir pour Nutribel.
Elle s'y est d'abord vu confier un projet à fort potentiel par sa responsable. Mais, depuis peu, cette dernière, en difficulté pour concilier vie familiale et professionnelle, semble distante. Car, quel que soit le niveau de responsabilité, il est beaucoup plus confortable d'être un homme dans le monde de l'entreprise. Habituée à la réussite, Claire ne voit pas venir la disgrâce et une mise au placard d'autant plus violente qu'elle est feutrée et sans explication.
Contrairement à sa sœur Juliette, le mouton noir de la famille, qui a choisi d'être intermittente du spectacle, Claire ne sait pas réagir à l'inattendu, enfermée dans un modèle où tout est balisé… La pauvre petite fille riche, blessée dans son ego, déstabilisée dans son plan de carrière, vacille.
La peinture acerbe que la jeune romancière fait de cette frange de sa génération touche juste, tant par son écriture directe et simple que par les doutes, les peurs, les aveuglements de son héroïne. Surtout, Stéphanie Dupays décrit une partie du monde du travail où l'individualisme et le paraître sont tellement poussés qu'il est difficile de retrouver le contact avec l'autre comme avec son moi profond.
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Brillante, de Stéphanie Dupays.
Mercure de France. 185 p., 17 €
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