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À tombeau ouvert

15 avril 2016 | Mise à jour le 15 février 2017
Par | Photo(s) : Elliott Verdier/AFP
À tombeau ouvert

« Condor », tel fut le nom de l'opération d'assassinats politiques qui poursuivit sur tous les continents les opposants aux dictatures latino-américaines. C'est aussi le titre du nouveau roman de Caryl Férey.

De livre en livre, le romancier français creuse les thèmes qui lui sont chers : fascisme ordinaire, néolibéralisme exacerbé, conditions des peuples autochtones et planète mise à mal par l'incurie de gouvernements clientélistes…

De Haka, à Zulu, en passant par Mapuche – dont Condor est le pendant chilien – Caryl Férey gratte où ça fait mal et les thématiques de ces ouvrages très noirs font écho à la couleur du temps…

Si Mapuche explorait la violence de la dictature argentine de Videla, avec la rencontre de Jana, sculptrice mapuche et de Ruben, « subversif » rescapé recherchant les enfants des mères de la Place de mai, Condor passe la frontière vers l'ouest, au Chili où la junte de Pinochet a semé une terreur équivalente.

Gabriela, jeune vidéaste mapuche, est hébergée par Stefano, devenu projectionniste d'un vieux cinéma de Santiago après avoir été parmi la garde rapprochée de Salvador Allende, ce qui lui a valu la torture. Gabriela participe à une télé locale et filme tout ce qui dérange : la contestation étudiante, la misère, et dénonce la corruption policière et le trafic de drogue.

Armée de sa seule caméra GoPro, Gabriela recueille les images du cadavre d'un gamin de 14 ans, fils d'un ami. Le gosse a été retrouvé mort et Gabriela soupçonne fortement une overdose.

Remontant la filière, la jeune femme rencontre l'avocat Esteban Roz-Tagle, mouton noir d'une famille qui a fait ses choux gras pendant l'ère Pinochet, « spécialiste des causes perdues » et auteur d'un texte halluciné traversé de visions. Il va enquêter avec elle.

Une puissante histoire d'amour naît entre eux, traversée par la mystique mapuche et la mémoire de Victor Jara, le poète chanteur aux mains brisées dans le stade de Santiago en 1973 et un texte halluciné écrit par Esteban.
L'investigation va les mener à train d'enfer des bas quartiers de Santiago au désert d'Atacama, sur la piste d'anciens tortionnaires au service de la junte, reconvertis dans de juteuses affaires de drogue et d'exploration minière, qui viennent de réapparaître pour enlever et assassiner l'associé fiscaliste de l'avocat.

Un roman noir brillant et haletant, moins violent et plus onirique que les précédents, qui ravive le souvenir des plaies d'une Amérique latine châtiée pour avoir voulu s'émanciper de la domination du capital.

 

Condor,

de Caryl Férey.

Gallimard – Série noire.

416 p., 19,50 €.

 

 

 

 

 

Entretien avec Caryl Férey