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LIVRE

Femmes puissantes

28 août 2016 | Mise à jour le 9 février 2017
Par | Photo(s) : Marlene Awaad/IP3
Femmes puissantes

Leonora Miano, Femina prize winner.

Le nouveau roman de la Camerounaise Léonora Miano frappe fort. « Crépuscule du tourment », par la voix de quatre femmes, brosse le portrait en creux d'un homme, mais surtout pourfend clichés et tabous.

 

Absent, mais omniprésent, cet homme est le, fils, l'amant, le mari et le frère des quatre femmes qui prennent successivement la parole. Des femmes à la fois puissantes et vaincues, victimes ou libres de prendre en main leur destin. Toutes vont nous parler de cet homme dont le portrait ressemble un peu à une condamnation par contumace. En effet, même s'il a des circonstances atténuantes – avoir eu un père violent – le fils Mususedi semble ne faire que fuir. Le seul acte montrant un peu de courage sera de prendre en charge Kabral, le fils de son défunt ami.

Fils, il n'a su ni défendre ni comprendre sa mère qui, pour résister aux coups, s'est forgé une carapace qui l'a endurcie et a entravé l'amour pour son fils. Amant, il n'a pas compris qui était Amandla, trop différente et en lutte pour renouer avec les racines du Pays Premier, celui d'avant la colonisation. Il n'a pas su l'aimer et s'en est détourné.

 

En accueillant Kabral sous le toit familial, l'homme absent a aussi amené la mère du garçon et revendiqué de la prendre pour compagne, cette Ixora à qui rien ne l'unit et qu'il frappera comme son père frappait sa mère, signant son propre échec.

Sa jeune sœur, Tiki est la seule qui a compris la souffrance qui enfermait sa mère et a résisté à l'incapacité de son frère à se forger un destin. Tiki qui n'est pas tissé de la même étoffe que ce frère en fuite et qui et va trouver seule son chemin et son être profond.

 

Au-delà de l'histoire de ces cinq personnages, Léonora Miano a choisi de gratter quelques plaies mal cicatrisées. La violence faite aux femmes, la violence domestique, l'excision, mais aussi celle du colonialisme qui n'a pas seulement volé les terres, les richesses et les êtres, mais surtout qui a tenté de les déposséder de leur culture, de leur imaginaire, bref de leur capacité à se réinventer. Elle aborde –et c'est fort rare sur le continent- un autre tabou, celui de la sexualité féminine, allant plus loin encore puisqu'elle parle ouvertement d'homosexualité féminine.

 

Romancière au style élégant, souvent même raffiné, elle convoque sans fard la grande Histoire et nous montre le poids immense qu'elle fait peser sur les destinées des individus.

 

 

 

 

 

Crépuscule du tourment, de Léonora Miano.

Éditions Grasset. 286 pages, 19 euros.