14 septembre 2016 | Mise à jour le 8 février 2017
Quand Michael Moore décide d'envahir le monde, on se doute bien que tout ça n'est pas sérieux. Le cinéaste signe avec « Where to Invade Next » un pamphlet trop manichéen pour vraiment toucher sa cible. Dommage !
Le film commence pourtant plutôt bien, rappelant combien la posture de « gendarme du monde » qu'affectent les Etats-Unis est plutôt… une imposture. Afghanistan, Irak et aujourd'hui Syrie, le constat n'est guère glorieux sur les théâtres d'opérations où le pays déploie ses forces armées depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais là n'est pas le propos de Michael Moore qui entend être un « envahisseur de bonne volonté » venu faucher aux autres pays les bonnes pratiques sociales qui font cruellement défaut dans le sien. En effet, sa démonstration souffre de ce qu'il reproche à son pays : une vision déformée du monde.
Esquissé dans Sicko, où il entrait en campagne pour une couverture maladie accessible à ses concitoyens, Michael Moore réalise un film à l'emporte-pièce en ce qu'il donne des pays « envahis » une vision idyllique qui correspond assez bien aux stéréotypes que l'Américain moyen peut engranger sur le reste du monde.
En voulant démontrer – aux citoyens des États-Unis – combien leur société est inégalitaire et leur gestion calamiteuse, il accumule quelques clichés qui desservent sa démonstration et qui vont faire grincer des dents dans les pays visités, l'Italie, la France, l'Allemagne, la Slovénie, la Finlande, le Portugal, l'Islande, la Norvège, la Tunisie.
Décrivant l'Italie comme le pays des congés payés et des gentils patrons, il omet par exemple d'évoquer le taux de chômage des jeunes, tout comme au Portugal où il met en avant la dépénalisation de l'usage de drogue. La douce France, outre sa protection sociale enviable, serait le pays où l'on est gastronome dès la crèche et où l'éducation sexuelle épanouit les rapports entre jeunes des deux sexes, l'Allemagne est vue comme la championne du respect de la vie privée des travailleurs grâce à son droit à la déconnexion. Et, cerise sur le gâteau, la Tunisie post Ben Ali serait rien moins qu'une société féministe et libérée…
Certes, face à la société américaine profondément inégalitaire et violente, basée sur le rapport de force, la peur et la compétition, nombre de pays européens, avec leurs modèles sociaux conquis de haute lutte et souvent au prix fort, conservent des acquis et des biens communs cruciaux. Mais, en dépit de son talent d'humoriste et des réelles qualités de nombre de ses films (où il parle de ce qu'il connaît le mieux : les carences de son pays et les failles de sa société), Michael Moore tombe ici dans un piège qu'il s'est lui-même tendu.
En voulant dissuader les électeurs américains de voter pour Trump et en rappelant les dégâts de l'ère Bush, il tend à idéaliser des pays dont, à l'évidence, il ne connaît que quelques aspects. Certes, il préfère, dit-il, « chercher les fleurs que les mauvaises herbes ».
Dommage, car Michael Moore n'est jamais aussi talentueux que lorsqu'il parle du système carcéral, de la peine de mort, du gâchis militaire, du sexisme et du racisme aux États-Unis ou lorsqu'il rappelle les fondations – génocide et esclavage – qui ont présidé à la naissance de la nation.
Where to Invade Next, film documentaire réalisé par Michael Moore, 2 heures.
En salles le 14 septembre 2016.