Quand une filiale d’Yves Rocher licencie des syndicalistes
Filiale en Turquie de l’entreprise française de cosmétique Yves Rocher, Kosan Kozmetik n'a pas hésité à licencier 124 salariés (majoritairement des femmes) de son site de... Lire la suite
Le régime de l'AKP (parti islamo-conservateur) ne désarme pas face aux journalistes turcs ou kurdes qui osent critiquer le chef de l'État Recep Tayyip Erdogan et son système. En dépit de l'échec électoral du pouvoir lors dernières élections législatives du 7 juin et la montée d'un parti d'opposition (HDP, pro-kurde), rien n'arrête les menaces contre le droit à l'information, la répression contre la liberté d'expression, ni les entraves contre le libre exercice de la profession de journaliste.
Ainsi, le 12 juin, les journalistes du site d'opposition Odatv étaient-ils convoqués au palais de justice d'Istanbul pour une nouvelle audience de leur interminable procès. Le SNJ-CGT, aux côtés du syndicat turc des journalistes (TGS), représentait en qualité d'observateur la Fédération européenne des journalistes (FEJ, 300000 adhérents).
Les journalistes de ce site étaient accusés dès l'origine du procès de posséder des «documents secrets», d'avoir porté atteinte à la sécurité de l'État, mais aussi d'être en lien avec une organisation terroriste (le PKK, ndlr). Nombre d'entre eux ont été emprisonnés. Mais, grâce à la solidarité internationale, ils ont pu être libérés. Deux de ces journalistes (DoganYurdakul et SonerYalçin) avaient été parrainés par le SNJ-CGT et par le quotidien l'Humanité. La CGT et l'espace international avaient apporté leur concours à cette libération dont la NVO avait rendu compte.
Le tribunal a décidé de renvoyer sa décision au 18 novembre prochain et a désigné un collège d'experts de l'université d'Istanbul pour déterminer l'origine des documents classés secrets d'État qui ont été introduits dans le disque dur du site. Une opération qui, pour bon nombre, est l'œuvre de mains expertes liées aux services spéciaux. Les défenseurs des journalistes rattachent cette décision prudente du tribunal à la situation politique dans le pays, où les tractations pour la formation d'un nouveau gouvernement vont bon train. L'AKP a en effet subi un échec en n'obtenant pas la majorité absolue qui aurait rendu possible une modification de la Constitution au profit du pouvoir personnel d'Erdogan. La surprise est venue de la progression sensible du parti pro-kurde HDP, qui rassemble une large opposition (jeunes, minorités, intellectuels, syndicalistes, militants associatifs, notamment ceux qui ont participé à la lutte du Parc Geysi). Le HDP a obtenu 13,1% des voix et 80 députés.
Mais rien n'est encore gagné en Turquie. Le rédacteur en chef du journal d'opposition Cumhuriyet, Can Dünder, qui a révélé photos et documents dévoilant le trafic d'armes organisé par les services secrets turcs au profit des groupes islamistes en Syrie, a reçu des menaces directes d'Erdogan et a été inculpé pour «terrorisme» et «espionnage». Il encourt deux peines de prison à perpétuité pour divulgation de secrets d'État.
Quelle que soit la coalition qui gouvernera dans les semaines à venir, la lutte pour la liberté d'expression et le respect du droit des journalistes reste une priorité dans ce pays où au moins 20 journalistes sont toujours détenus et où les procès contre les medias se poursuivent. La solidarité internationale a permis la libération de plusieurs dizaines de journalistes détenus ces dernières années.
Cette solidarité devra être toujours à l’œuvre aujourd’hui pour faire reculer l'impunité en Turquie où, tout dernièrement encore, plusieurs journalistes kurdes à Dyarbakir, dans l'Est du pays, mais aussi des journalistes turcs, ont été victimes des violences policières.
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Face à cette situation, la Fédération internationale des journalistes (600000 adhérents dans le monde) a apporté son soutien aux journalistes de Turquie et à leur syndicat en dénonçant la répression.
«Ces attaques contre les journalistes et les medias sont des agressions contre le droit du public à l'information. Les auteurs de ces violences visent à intimider les journalistes pour leur imposer le silence», indique le TGS. Et il ajoute, après avoir apporté sa solidarité aux journalistes blessés: «les autorités turques doivent ordonner une enquête (sur ces violences, ndlr) afin de mettre un terme à l'impunité» dont bénéficient les auteurs de ces actes. Dont acte.