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union européenne

Le grand marché du « chacun pour soi » ?

23 février 2016 | Mise à jour le 20 février 2017
Par | Photo(s) : Aris Messinis/AFP
Le grand marché du « chacun pour soi » ?

Libéralisme accru et mesures contre les travailleurs immigrés. C'est ce qu'a obtenu le premier ministre britannique David Cameron lors du dernier sommet de l'Union européenne. La Confédération européenne des syndicats, à l'inverse, rappelle à la Commission européenne sa promesse de constituer un pilier conséquent de droits sociaux pour l'Europe. Et réclame la protection urgente des réfugiés.

Pas cette Europe-là. Non parce qu'elle serait trop libérale ou pas assez démocratique mais parce qu'au contraire, elle ne favorise pas assez les marchés et la City. C'est en tout cas ce qu'a plaidé les 18 et 19 février le premier ministre britannique David Cameron auprès de ses vingt-sept partenaires européens, avant d'obtenir, à l'issue de quelque 30 heures de négociations au sommet, un accord attribuant à Londres un statut spécial.

Le Royaume-Uni jouira ainsi du privilège, unique en Europe, d'échapper au contrôle bancaire commun, mais aussi de forcer le Conseil à débattre de décisions concernant l'union monétaire, tout en restant en dehors de la zone euro.

« COMPÉTITIVITÉ »

François Hollande s'est réjoui de l'absence de révision des traités, et du refus d'un droit de veto britannique sur la zone euro. Mais était-ce là l'essentiel ? En fait, David Cameron, qui menaçait de quitter la maison commune – c'eût été le fameux « Brexit » – a surtout réclamé que Londres continue à accéder au marché unique sans pour autant devoir contribuer aux mécanismes de la zone euro, notamment en termes de solidarité financière, et ce dans une Union européenne renforçant le caractère prioritaire sur tout autre de la compétitivité.

LES TRAVAILLEURS MIGRANTS COMME BOUCS ÉMISSAIRES

David Cameron a aussi obtenu d'autres mesures, lesquelles visent principalement les ressortissants non britanniques. Il est vrai qu'il faut bien trouver des boucs émissaires lorsque la City s'enrichit et que les contrats « zéro heure » transforment les travailleurs potentiels en travailleurs pauvres. Ces contrats en effet permettent aux employeurs d'embaucher des salariés, sans garantie d'horaires, mais en les contraignant à demeurer disponibles en permanence. Seules les heures travaillées sont rémunérées…

Pratique, pour réduire la courbe du chômage. Boucs émissaires donc, les travailleurs migrants. Londres pourra ainsi refuser aux migrants européens un accès aux prestations sociales (primes pour l'emploi, allocations logement…) durant les quatre premières années de leur installation. Et, selon le niveau de vie dans les pays d'origine des travailleurs migrants nouvellement arrivés, certaines prestations seront réduites pour les enfants restés au pays. Une mesure généralisable à tous les travailleurs immigrés, nouveaux ou anciens, en 2020.

Fort de ces succès à la fois ultralibéraux et xénophobes, David Cameron a annoncé l'organisation le 23 juin d'un référendum sur le choix entre un maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne ou le «Brexit »…

LA CRISE DES RÉFUGIÉS AUX CALENDES GRECQUES

En revanche, en dépit des demandes réitérées par Athènes, les réfugiés, en particulier syriens et irakiens, arrivant en Europe continuent de périr en mer ou de subir les murs et barbelés de plusieurs États.

Alors que des centaines de milliers de Syriens, pris en tenaille entre les bombes du régime et de ses alliés d'un côté, et l'avancée de Daech de l'autre, tentent de survivre en passant la frontière, la majorité des réfugiés sont accueillis – par millions – au Liban, en Jordanie et en Turquie, la Grèce faisant quasiment face à une crise humanitaire.

RÉACTIONS SYNDICALES

Réagissant à l'accord avec le Royaume-Uni, Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), a notamment dénoncé le fait que « Cameron a réussi à exempter le Royaume-Uni d'importantes obligations liées à l'appartenance à l'Union européenne », et il demande « qu'aucune de ces exceptions et restrictions ne s'applique à d'autres États membres (…) Les syndicats européens se battront pour mettre fin à de telles restrictions et (…) pour s'assurer que la Commission européenne respecte sa promesse de constituer un robuste pilier de droits sociaux pour l'Europe », a-t-il rappelé. Pour le syndicalisme européen, « les travailleurs britanniques, comme tous ceux de l'UE, ont droit à une société juste, à des investissements pour des emplois de qualité, à la libre circulation et à l'égalité de traitement ». Et de conclure : « Cet accord n'y contribuera pas. »

Mais les syndicats européens réclament aussi, et de longue date maintenant, des mesures concrètes sérieuses en faveur des réfugiés. « Les décisions prises aujourd'hui par l'UE concernant les réfugiés et l'accord spécial pour le Royaume-Uni ne reflètent pas le caractère d'unité, d'équité et d'humanité de l'Europe que nous voulons laisser à nos enfants », s'insurge Luca Visentini.

« L'Europe ferme ses portes. Les dirigeants européens ont décidé que les victimes de guerre devaient aller vivre ailleurs. Ils offrent de l'argent à la Turquie et à d'autres afin de garder les réfugiés en dehors de l'UE, et sans même insister pour qu'ils vivent dans des conditions décentes. » Pour la CES, qui demande à l'UE et aux États membres d'améliorer les structures d'accueil et d'intégration, il est urgent que la communauté internationale se mobilise et protège enfin les réfugiés.