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DROITS DES FEMMES

IVG : Lundi noir

5 octobre 2016 | Mise à jour le 27 février 2018
Par | Photo(s) : Wiktor Dabkowski/AFP
IVG : Lundi noir

Le 3 octobre, les Polonaises ont fait grève dans tous le pays contre l’interdiction du droit à l’avortement. Un lundi noir en forme de deuil.

« Grève nationale des femmes. » Le fait est rare, il dit la gravité de la séquence. Lundi dernier, à Varsovie et dans toute la Pologne, des milliers de femmes ont débrayé et se sont vêtues de noir en signe de protestation contre un projet de loi, en examen, bannissant l'IVG dans le pays, excepté si la vie de la femme enceinte est en danger immédiat.

Le texte, porté par les conservateurs du parti Droit et Justice (PiS) qui dominent le Parlement, prévoit également jusqu'à cinq ans de prison pour toute femme ayant avorté.

Les femmes en danger

La loi sur l'avortement en Pologne – pays parmi les plus catholiques du continent – est déjà l'une des plus restrictives d'Europe. L'avortement n'y est autorisé qu'en cas de viol ou d'inceste, lorsque le fœtus souffre d'une malformation grave et irréversible ou d'une maladie incurable mettant sa vie en danger, ou lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la jeune fille est en danger.

« Le projet de loi prévoit l'interdiction de l'avortement en toutes circonstances, sauf lorsque des professionnels de santé l'estiment nécessaire pour sauver la vie de la femme enceinte », explique Anna Blus, chercheuse à Amnesty International dans un article intitulé « Un recul dangereux pour les femmes et les jeunes filles en Pologne », publié le 16 septembre.

Et d'alerter : « Il aura pour conséquence de mettre la santé des femmes en danger, et de placer les médecins dans des situations impossibles. Sans directives claires sur les circonstances dans lesquelles une femme ou une jeune fille est assez proche de la mort pour être autorisée à pratiquer un avortement légal pour raisons médicales, la responsabilité incombera aux médecins de le retarder autant que possible ».

Femmes en noir

Au-delà des manifestations, le mouvement lancé à l'initiative de l'actrice Krystyna Janda, a également vu de nombreuses femmes marquer leur opposition et leur colère en s'habillant en noir dans les transports, au travail, à l'université ou en boycottant leurs tâches quotidiennes en référence à la grève historique des femmes qui avait paralysé l'Islande le 24 octobre 1975, quand 95% des Islandaises s'étaient mises en grève de leur double journée de travail (à la ville et à la maison).

« Il se passe manifestement quelque chose dans la société polonaise, souligne la sociologue Miroslawa Grabowska, présidente de l'institut de sondage CBOS. Malgré une faible tradition de manifestation de rue en Pologne, la mobilisation sur les réseaux sociaux et dans les médias a été sans précédent. »

Femmes solidaires

Si les soutiens aux Polonaises sont venus de partout – notamment de pays catholiques comme l'Irlande –, il faut rappeler que l'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'avait pas été inscrite dans la Charte des droits fondamentaux, élaborée à la fin des années 1990 et intégrée dans le Traité constitutionnel européen en 2007. Un consensus à minima destiné à ne pas « heurter » certains des futurs candidats à l'Union, dont la Pologne.

Ni, d'ailleurs, certains des pays membres de la première heure : entrée dans la communauté européenne en 1986, l'Espagne s'est illustrée en février 2014, quand un projet de loi du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy avait prétendu restreindre le droit à l'avortement et provoqué d'énormes manifestations dans tout le pays.

Dernières nouvelles de Pologne La mobilisation des femmes polonaises et l'émotion suscitée en Europe face à une interdiction quasi complète de l'avortement a payé. Le parti conservateur au pouvoir a fini par jeter l'éponge lors d'un vote jeudi 6 octobre au Parlement. Il est vrai que la Pologne fait déjà partie des pays les plus restrictifs en Europe. Ce revirement à 180 degrés du parti Droit et Justice (PiS), majoritaire au Parlement, est bien dû, selon l'opposition au gouvernement en place à l'immense mobilisation des femmes et les craintes du gouvernement. « Votre position en commission résulte de la panique qui vous a saisis après les protestations de lundi », a asséné une députée de Plate-forme civique (PO, opposition), Joanna Mucha lors des débats. « Les Polonaises ne permettront pas que vous les conduisiez à l'abattoir comme des moutons. Le troupeau va vous piétiner », a-t-elle lancé.

(La rédaction avec AFP)