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La révolte des précaires

13 juin 2014 | Mise à jour le 26 avril 2017
Par | Photo(s) : DR
La révolte des précaires

La fronde prend comme une traînée de poudre dans les premiers festivals d’été contre l’agrément par le gouvernement de l’accord sur l’assurance chômage, prévu le 1er juillet. La CGT traîne les signataires du texte en justice pour négociations déloyales.

« Jean-Patrick Gille reconnaît que nos propositions de réforme alternative sont justes », a estimé jeudi le secrétaire général de la CGT-Spectacle, Denis Gravouil, à l’issue d’une rencontre avec le député socialiste, nommé ce week-end par le gouvernement pour calmer la colère. « Nous lui avons redit que nous étions contre l’agrément et contre une manœuvre qui consisterait à repousser sa mise en application au 1er octobre, ce qui serait juste une façon de tenter d’éteindre l’incendie des festivals. » En attendant, ça chauffe sacrément.

Toulouse, Villeneuve-les-Maguelone, Marseille, Paris, Sète, Angers, Châlon-en-Champagne, Montpellier… Des grèves comme s'il en pleuvait sur toute notre douce France, à la télé, au cinéma comme au théâtre. Ils sont très colère les précaires. Entendez les intermittents du spectacle touchés comme les intérimaires et les privés d'emploi. Le 10 juin, les artistes des Furies de Châlon accueillaient nus la ministre de la Culture au Familistère de Guise (Aisne), lui rappelant que c’était au nom de tous les précaires qu’ils manifestaient. Dans un des palais utopistes du XIXe siècle mené par Gaudin, ça avait de la classe !

TENSION SUR AVIGNON

Le 10 juin toujours, la maire d’Avignon Cécile Helle et le directeur du Festival rencontraient la coordination des intermittents et sollicitaient un rendez-vous auprès de Manuel Valls. « Nous souhaitons que la parole des intermittents soit entendue, qu’elle ne soit pas confondue avec des revendications simplement corporatives parce que c’est toute la vie du secteur culturel qui en dépend. » Olivier Py ne croit pas si bien dire alors que jeudi le gouvernement annonçait 2,3 % de baisse du budget de la Culture.

« ON EST COMME DES GRÉVISTES DE LA FAIM.
UN GRÉVISTE DE LA FAIM NE VEUT PAS MOURIR,
IL VEUT ÊTRE ENTENDU, ET POUR CELA, IL SE PRIVE DE LA CHOSE LA PLUS ÉLÉMENTAIRE QUI SOIT, MANGER.
NOUS, NOUS NOUS PRIVONS DE JOUER. MAIS NOUS N’EN SOMMES PAS RESPONSABLES.
C’EST L’ETAT, LE VRAI RESPONSABLE. »

Jacques Allaire, metteur en scène de « Marx Matériau », un des spectacles annulés du Printemps des comédiens de Montpellier (34), annonce la couleur (« Le Monde » du 8 juin). Depuis le 3 juin, la grève est reconduite toutes les 48 heures à Montpellier. Jane Birkin, en soutien, annule le spectacle « Gainsbourg, Poète majeur » qu’elle devait donner le 22 juin au Printemps des Comédiens.

CARENCES INFERNALES

Le « médiateur » Jean-Patrick Gille qui fait partie des 41 députés frondeurs s’étant abstenu lors du vote du plan d'économies de 50 milliards, a rédigé un bon rapport en 2013 sur les conditions d'emploi dans les métiers artistiques. Il y pointait notamment la paupérisation des intermittents, dont une majorité vit avec 9000 voire 8000 euros par an.

Il doit remettre au gouvernement le 26 juin des propositions susceptibles de stopper l’ébullition qui monte. Les raisons sont là : « Le plan d'austérité de 50 milliards comprend 2 milliards d'économies d'ici 2017 pour l'Unedic ; ces 2 milliards d'économies se font presque exclusivement sur le dos des chômeurs », résume Denis Gravouil. Et de dénoncer les différés de paiement des indemnités chômage qui touchent, avec cette convention, non plus 9 % des indemnisés, les mieux payés, mais 47 % ! Seuls ceux qui touchent en-deçà de 9000 euros par an (soit à peine 800 euros par mois) sont épargnés. « On atteint vite des délais de carence de 20 voire 30 jours. Les périodes de chômage non payées s’allongent ; comment vivre pendant ce temps-là ? Ça risque aussi d’être dramatique pour les congés maternité quand ces derniers sont calculés sur les périodes indemnisées».

La CGT a déposé un préavis de grève jusqu’au 30 juin et vient d'attaquer les signataires de l'accord au tribunal pour négociations déloyale. Première audience prévue le 1er juillet.

« LUTTONS ET RÉSISTONS ! »

Le gouvernement a beau se planquer derrière le paravent d’une gestion paritaire de l’Unedic ou le respect d’accords entre « partenaires sociaux » qui oublient de l’être, difficile d’être dupe.

C’est bien au nom de la dette publique que les plans d’austérité orchestrent la saignée des plus pauvres : intermittents, intérimaires, chômeurs. «(…) Il faut trouver un moyen de les faire payer. Leur faire payer le fait qu’en France, 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés, leur faire payer les 9 millions de pauvres, travailleurs ou non, leur faire payer la situation du chômage de masse (…) ». Le discours prononcé le 2 juin par le comédien Nicolas Bouchaud, lors de la 26e cérémonie des Molière fût on ne peut plus ferme : « Luttons et résistons ! » Et ce soir-là, aux Folies Bergères, la colère était partout palpable y compris dans le sketch du génial Michel Fau, travesti en comédienne s'emparant du buste doré, et sa tirade finale: « Ma joie ne saurait être totale sans une pensée pour les intermittents du spectacle, miséreux, souffreteux qui errent aux couloirs des théâtres… »

MOLIÈRE DE LA MEILLEURE TRAHISON

La grogne monte d’autant plus que ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, défendaient il y a peu la cause des précaires. « Cette volonté de partenariat avec le Medef est un massacre ! », tonnait encore Nicolas Bouchaud, avant la récompense finale : « François Rebsamen qui nous défendait juste avant de devenir ministre du Travail, se renie et annonce qu’il va agréer cet accord inacceptable. A ce titre, nous lui décernons le Molière de la meilleure trahison pour son rôle d'employé du Medef ! ». Depuis, ce dernier a menacé de quitter l’Unedic, pendant que dans la maison de Molière, les saltimbanques sont en grève. « Ceux qui protestent ont droit à l’existence, ils ne sont pas des parias. Ecoutons ! Discutons ! Construisons !
« Ce sera simple et sublime ! », comme disait Victor Hugo », déclarent les comédiens du Français.

LES NOMINÉS DU 16 JUIN SONT…

« Outre cette convention qui va installer beaucoup de gens dans la précarité en forçant à la course aux petits boulots, la baisse continue du budget de la Culture a des conséquences dramatiques dans le spectacle vivant, le cinéma ou l’audiovisuel, explique Denis Gravouil. Les théâtres programment moins et avec moins de monde. Le 16 juin, la grève doit prendre partout ! »

Comme sur tout le territoire, à Paris, dès 14h30, place du Palais Royal, les « miséreux, souffreteux » ne lâcheront rien et on les ovationne !

 

Le site de la Fédération CGT du spectacle

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Le régime des intermittents n'est pas un privilège par Mathieu Grégoire (Maître de conférences en sociologie à l’université de Picardie-Jules-Verne)