À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
LOI TRAVAIL

Le 9 mars et ses suites

7 mars 2016 | Mise à jour le 20 février 2017
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Le 9 mars et ses suites

Respectivement trésorière nationale de l'Unef et coorganisateur du collectif Jeunes CGT de l'Isère, Marthe Corpet et Maxime Grand ont répondu aux questions de la NVO, en marge des Assises Jeunes CGT qui se sont tenues les 2 et 3 mars derniers, sur les questions qui ont largement dominé cet événement : les jeunes, la lutte contre la précarité et le projet de loi sur la réforme du Code du travail.

LA NVO : QUE VEUT DIRE « ÊTRE JEUNE » AUJOURD'HUI ?

Marthe Corpet : Être jeune, c'est multiplier les situations de précarité. C'est extrêmement important. On a beau avoir tous une vie différente, donc avoir des milliers de situations, à la fin, ce qui nous caractérise, nous, l'ensemble de la jeunesse, c'est la précarité. Précarité pendant nos études – pour ceux qui en font –, précarité pendant l'insertion professionnelle.

Les jeunes enchaînent les CDD, ils enchaînent des stages, ils enchaînent même, depuis janvier, des services civiques payés la moitié du Smic, et maintenant, avec le projet de loi El Khomri, il faudrait aussi être précaire tout au long de notre carrière…

Maxime Grand : Aujourd'hui, être jeune, c'est être en pleine précarité. Dans la société, aujourd'hui, nous n'avons aucune perspective d'avenir. Dès le collège, nous ne sommes pas correctement préparés au monde du travail. Et, dans certaines filières, ce que cherche le patronat, c'est une main-d'œuvre à sa main…

Tout est orchestré pour aller dans les filières que le patronat met en avant. Si les notes ne suivent pas, les garçons sont envoyés en filière « mécanique », et les filles, en « petite enfance ». C'est pour ça que nous essayons d'organiser des actions avec les jeunes, pour travailler aussi sur la question de l'orientation.

L'UNEF ÉTAIT INVITÉE AUX ASSISES JEUNES CGT. AVEC DEUX SYNDICATS DE LYCÉENS, VOUS VOUS RETROUVEZ AUSSI DANS UNE INTERSYNDICALE POUR LUTTER CONTRE LE PROJET DE LOI EL KHOMRI. C'EST IMPORTANT, CE LIEN ?

MC : Pour l'Unef, le lien avec la CGT est extrêmement important. C'est un lien qui est évidemment historique, puisque les batailles que nous menons, nous en avons déjà mené, par le passé, main dans la main, entre syndicats de salariés et syndicats d’étudiants. Si les secteurs dans lesquels nous intervenons sont différents, la précarité, elle, est la même.

De plus, il y a un enjeu à ce qu'on continue les batailles en commun, à travers l'interorganisation jeune qui unit l'Unef et les Jeunes CGT, et l'intersyndicale professionnelle. Nos intérêts convergent, nous partageons la précarité, notre but doit aussi converger.

 

MG : Certes, il y a des divergences sur certains dossiers ou dans certains départements, mais il faut être les plus fédérateurs possible pour mettre tous les jeunes dans la rue, pour lutter contre la loi El Khomri en particulier. Cette loi casse le Code du travail. Pour les apprentis, c'est une véritable catastrophe. Si la loi est votée en l'état, ils ne seront plus du tout couverts, ils devront travailler la nuit, parfois quarante heures par semaine.

De plus, les injustices liées au monde du travail sont exactement les mêmes pour un jeune étudiant qui travaille à MacDo et un autre qui y travaille à temps plein sans être étudiant. L'étudiant ne devrait pas avoir besoin de travailler pour payer ses études. Et un autre jeune, précaire, ne devrait pas l'être ni avoir à subir des injustices sur son lieu de travail tout au long de l'année, ou toute sa vie.

IL Y A EU BEAUCOUP DE RÉFÉRENCES, PENDANT LES ASSISES DES JEUNES CGT, À LA LUTTE CONTRE LE CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE (CPE). ON Y REVIENT AUJOURD'HUI ?

MC : Ce projet de loi est un mauvais cadeau d'anniversaire, dix ans après le CPE. Si on regarde un petit peu la lettre du projet, il ressemble bel et bien à ce que Dominique de Villepin nous a proposé il y a dix ans. À l'époque, nous sommes descendus dans la rue pour le refuser, nous continuons aujourd'hui. La majorité dans la société conteste ce projet.

La contestation s'est d'ores et déjà traduite par plus de un million de signatures sur la pétition en ligne, c'est historique. Les gens en ont ras le bol, et cette loi est la goutte d'eau qui fait déborder le vase alors qu'ils font déjà des efforts. Donc, oui, je pense que les conditions sont réunies aujourd'hui pour que les jeunes, les salariés et toute la société descendent dans la rue ; après, je ne fais pas de pronostic, en tout cas, nous, à l'Unef, on met toute notre force dans la bataille.

 

MG : Il y a une sacrée effervescence des organisations de jeunesse qui n'hésitent pas à aller de l'avant pour dire : « Dès le 9 mars, on sera bien présents dans la rue. » Des collages, des permanences sur le campus de Grenoble, en Rhône-Alpes et au niveau national s'organisent. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que les organisations de jeunesse comptent sur la CGT. Même s'il y a une réelle difficulté pour la CGT à avoir un pied sur les campus, mais c'est aussi pour ça que le partenariat est intéressant.

QUELLES ATTENTES POUR LA SUITE ? CETTE SOLIDARITÉ VA-T-ELLE DURER ?

MC : Nous entrons dans une temporalité de batailles où il va falloir aller chercher le retrait de ce projet de loi. Nous avons gagné une première victoire avec la mobilisation collective sur les réseaux sociaux et le report de ce projet. Nous voyons, aujourd'hui, une certaine fébrilité de ce gouvernement. Je pense que la journée du 9 mars sera bien suivie, mais je ne pense pas qu'elle suffira pour obtenir le retrait du projet.

Et comme nous avons pu l'exprimer à la suite de l'intersyndicale qui s'est réunie la semaine dernière, il est entendu que la CGT, l'Unef, la FSU, FO, Sud-Solidaires, l'UNL et la Fidl appelleront à d'autres journées de mobilisation jusqu'au retrait plein et entier de ce projet de loi. C'est un combat que nous ne pouvons pas, nous, les jeunes, mener tout seuls de front. Nous avons commencé cette bataille ensemble et, évidemment, nous ne pourrons pas finir désunis.

 

MG : Comme l'a rappelé Philippe Martinez à l'issue des Assises Jeunes CGT, plusieurs journées sont déjà organisées en mars, notamment par les retraités, les cheminots et quelques fédérations, mais qui appellent aussi sur des revendications spécifiques, car elles sont organisées depuis longtemps. Nous militons depuis des années, et, bien évidemment, nous allons combattre la loi El Khomri, mais nous devons aussi continuer à œuvrer pour un autre avenir social, différent de celui qu'on nous impose aujourd'hui, qui nous rend précaires et qui fait que l'avenir est complètement déstabilisant pour les jeunes. L'avenir est dans la lutte, et je pense que le printemps va être beau.

 

Propos recueillis par Guillaume Desjardins