Tandis que Bruxelles subissait le 22 mars la barbarie, Toulouse répondait le soir même par des exigences de liberté et de solidarité. Quelque 1 500 militants, réunis en meeting régional, ont rappelé que peur et répression restent à jamais les ennemis du progrès.
Le supplice a assez duré. Le projet de loi Travail, c'est la goutte d'eau. « Mais dans quel monde vit-on ? » Laura Pfeiffer ne mâche pas ses mots. L'inspectrice du travail digère très mal la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel d'Annecy, en décembre, pour violation du secret professionnel et recel de documents confidentiels appartenant à la société Tefal.
La collusion entre le patronat, le gouvernement et l'État vise à instaurer un climat de peur selon elle. « On vaut mieux que ça ! », rétorque-t-elle à la tribune du meeting organisé au parc des expositions de la ville rose par la CGT, FSU et Solidaires. Sa réponse tient en deux mots : mobilisation et résistance, jusqu'à la victoire : « On ne peut plus la fermer, on doit l'ouvrir ! »
RIEN N'ARRÊTE LA MARCHE DE L'HISTOIRE
L'appel est entendu. La salle, aux couleurs de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, le scande en écho. Il est relayé au micro par des salariés, tout secteur et profession confondus, qui refusent la présomption de trouble à l'ordre public qui leur colle d'office à la peau : infirmières de la Polyclinique de Gascogne (32) et de Pont-de-Chaume (82), Atsem (agent spécialisé des écoles maternelles) et agents hospitalier de Toulouse (31), responsables d'unions départementale et locale (09), syndicalistes d'Air France et de Goodyear, militant d'Airbus Espagne…
La fierté le dispute à la colère, avec la conscience que se joue une bataille rangée entre deux choix de société : « Quand on touche à un camarade, on touche à tous les camarades », rappelle Lionel Pastre. La transformation sociale, ses acteurs mais aussi ses structures, est la cible du gouvernement et du Medef. « Or l'Histoire montre que personne n'a pu ni su casser la volonté des salariés qui se sont levés et organisés collectivement pour leur émancipation et le progrès social », ajoute le secrétaire de la région CGT Midi-Pyrénées.
RIEN N'EST ACQUIS, TOUT RESTE À FAIRE
L'action syndicale, consacrée comme liberté fondamentale, est un levier formidable au service des conquêtes sociales et du bien commun. Mais elle devient fragile et inefficace si elle est contrainte, menacée ou rognée par des projets et des réformes réactionnaires tant sur le plan politique que social : « La réforme du code du travail est intervenue il y a 5 ans en Espagne et, malgré les mobilisations, elle nous est tombée dessus. »
Quique Gil arrive de Madrid pour témoigner au nom des 300 militants espagnols persécutés au seul titre de leur engagement syndical. Le salarié d'Airbus, rescapé avec huit autres camarades d'une peine pénale de huit ans et trois mois, rappelle aussi à la salle qui lui fait face que rien n'est encore joué en France : « Vous avez encore une chance, le 31 mars dans la rue, de faire échouer le projet du gouvernement. »
À bons entendeurs, salut !
3 QUESTIONS À PHILIPPE MARTINEZ
Le secrétaire général de la CGT était à Toulouse le 22 mars. Il a rappelé l'actualité de la campagne lancée en août : « Pas de conquêtes sociales sans libertés syndicales ».
NVO. Quelque 1 500 militants étaient réunis au parc des expositions, avec le même enthousiasme et la même détermination. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Philippe Martinez. C'est bien de pouvoir rassembler autant de camarades dans une même salle autour d'un sujet important. Ce meeting est important dans une période où le besoin de revendiquer s'exprime jusque dans les rangs de la jeunesse.
Le contexte, social et sécuritaire, a changé depuis le lancement de la campagne confédérale. En est-il de même pour la ligne défendue par la CGT ?
La ligne reste la même, les enjeux aussi. On ne peut pas être indifférent à la barbarie qui frappe Bruxelles après avoir frappé Paris, mais les solutions ne peuvent pas être celles que portent les gouvernements en Europe. Il faut que la démocratie tourne à plein, que les revendications tournent à plein. L'opinion doit se faire entendre.
La discrimination et la répression ne sont pourtant pas des pratiques nouvelles ?
Effectivement. Mais le contexte actuel est à la généralisation de la mise en cause des libertés individuelles et collectives, tandis que le dialogue social ne cesse d'être vanté. Cette seule contradiction, notamment, montre que notre slogan « Pas de conquêtes sociales sans libertés syndicales » est plus pertinent que jamais.