À vingt-quatre heures du match d'envoi de l'Euro de football, le climat social reste tendu à la SNCF avec des appels à la grève. Cela en dépit des avancées formulées dans l'urgence par le gouvernement contre l'avis de la direction du groupe public. Point sur la situation.
Après des mois d'échanges intenses entre les syndicats et la direction de la SNCF, c'est finalement la mobilisation syndicale en cours depuis le 9 mars qui aura eu raison de l'attentisme du gouvernement et de l'entêtement de Guillaume Pepy, PDG du groupe public ferroviaire. Pour un résultat mitigé.
À ce jour, seules la CFDT et l'Unsa, qui à elles-deux ne représentent que 40 % des cheminots, s'apprêtent à prendre le stylo pour signer l'accord d'entreprise destiné à régir les conditions de travail des cheminots à compter du 1er juillet. Sud-rail (troisième organisation) et FO (non représentatif) ont, de leur côté, appelé à poursuivre le mouvement de grève.
La CGT cheminots (premier syndicat de l'entreprise) note, quant à elle, « les améliorations arrachées » sans donner de mot d'ordre et laisse les assemblées générales décider des suites à donner au mouvement. Le 8 juin au soir, en Île-de-France, elles ont voté la reconduction de la grève.
DES « AMÉLIORATIONS ARRACHÉES »
Dans un communiqué très détaillé, la fédération CGT des cheminots pointe une à une les dispositions de la deuxième version de l'accord d'entreprise issue de la négociation « marathon » qui s'est tenue du lundi 6 juin au matin au lendemain à 4h30.
Sous pression des mobilisations et voulant éviter un front syndical uni, l'exécutif, en la personne du secrétaire d'État aux transports Alain Vidalies, avait notamment fait reculer la direction du groupe public ferroviaire sur la règle dite, en interne, du 19/6.
Pour Guillaume Pepy, elle symbolisait les rigidités dans l'application des 35 heures au personnel roulant, et il faisait de l'obtention de son aménagement un point non négociable. Au grand dam de tous les syndicats.
À l'arrivée, le projet d'accord sur le temps de travail consacre le maintien des règles actuelles (RTT, repos) et en améliore d'autres (travail de nuit). Ainsi, la CGT cheminots note que ces 19 heures de négociation ont permis de « lever du texte initial un maximum de dispositions inférieures au RH 077 [NDLR : qui réglemente les conditions de travail à la SNCF] et améliorer l'existant », et que « les évolutions du texte définitif (…) amènent la future réglementation sur l'aménagement du temps de travail applicable aux cheminots de la SNCF au niveau de la RH 077 ».
L'EXÉCUTIF ET LA DIRECTION RÉCLAMENT L'ARRÊT DE LA GRÈVE
Guillaume Pepy aura donc échoué à mener à bien son objectif d'alignement des conditions de travail à la SNCF sur celles du privé. Pour la direction de la SNCF, il s'agissait là d'un enjeu de compétitivité pour le groupe public en perspective de l'ouverture du rail au privé, sur le territoire, d'ici à 2020.
Sur ce terrain, elle a cependant reçu l'engagement d'une compensation de la part de l'exécutif via notamment d'autres décisions comme une reprise partielle de la dette du réseau ferroviaire (près de 40 milliards d’euros).
Dès lors, pour Guillaume Pépy, « il n'y a plus aucune raison qu'il y ait grève » estimant sûrement avoir mouillé la chemise, le gouvernement exige également l’arrêt de celle-ci et de toutes les autres mobilisations. Euro de football oblige, quand ce ne sont pas les inondations qui sont convoquées dans l'argumentaire. Chacun y est allé de son courroux : Manuel Valls a estimé que ce conflit était désormais « incompréhensible » et, tronquant les propos de Maurice Thorez, François Hollande a déclaré qu'il « faut savoir arrêter une grève ».
« Quand on a obtenu satisfaction », a complété la CGT dans un communiqué.
LES POINTS DE MÉCONTENTEMENT
Si tel est le cas pour la CFDT et l'Unsa, il en va tout autrement pour SUD-Rail et la CGT cheminots, laquelle estime qu'il subsiste des « points négatifs » dans le texte. Les deux syndicats continuent ainsi de dénoncer l'article 49 du texte qui prévoit la possibilité d'accords au niveau local pour déroger à l'encadrement des repos. Un dispositif qui est, selon les deux syndicats, dans l'esprit de la loi El Khomri.
Autre point de discorde : la négociation sur la convention collective de l'ensemble du secteur ferroviaire, privé et public. Elle est au point mort et les deux syndicats entendent continuer le combat sur le sujet. Ils veulent aboutir à un accord de branche d'un niveau aussi proche que possible des garanties collectives en vigueur à la SNCF.
Une orientation de négociation qu'a refusée tout net l'Union des transports publics et ferroviaires (patronat du secteur), qui a renvoyé les discussions au niveau des entreprises. Cinq mille cheminots travaillent actuellement pour des entreprises ferroviaires privées. Là aussi, flotte comme un parfum de loi « travail ». Or, partageant la ligne de sa confédération la fédération CGT des cheminots milite pour le retrait de cette loi de même que Sud-Rail.
LA CGT CONSULTE SES MILITANTS
Le texte de l'accord de la convention collective était ouvert à signature jusqu'au 8 juin. Il a été signé par la CFDT et était en passe de l'être par l'Unsa, lui permettant ainsi de passer le cap des 30 % nécessaires à sa validation. La CGT et SUD-Rail n'ont pas fait savoir s'ils feraient valoir leur droit de véto pour le bloquer. Les deux organisations représentent en effet 51,5 % du corps électoral du groupe public, plus que le seuil de 50 % nécessaire pour dénoncer un accord.
L'accord d'entreprise, quant à lui, est ouvert à signature jusqu'au 14 juin et les syndicats sont pour l'heure en attente du texte définitif que doit leur faire parvenir la direction. Prévoyant tout, le gouvernement a d'ores et déjà prévenu : si les deux syndicats décidaient de bloquer l'accord, « il n'y aurait pas de nouvelle négociation » et, le cas échéant, « il y aura des mesures unilatérales de la direction de la SNCF ».
SUD-Rail a d'ores et déjà indiqué qu'il ne le signerait pas et la fédération CGT des cheminots indique, pour sa part, qu'elle « prendra le temps nécessaire de la consultation de ses militants et syndiqués, pour faire connaître sa position ».
Engagés dans la lutte pour le retrait de la loi El Khomri, les syndicats de cheminots CGT, SUD et FO se retrouveront de toute façon le 14 juin pour manifester à l'appel de l'intersyndicale. En plein Euro de football et avec la participation de délégations syndicales européennes.