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métier

Angélique Unterner, doreuse sur verre

21 juillet 2016 | Mise à jour le 30 mai 2017
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Angélique Unterner, doreuse sur verre

C'est Angélique qui donne la touche finale aux pièces de cristal qui sortent des fours de Baccarat. Verres, carafes ou chats porte-bonheur sont dorés par ses soins avant de rejoindre les boutiques.

Pour arriver à l'atelier de dorure, il faut traverser le cœur de l'usine Baccarat : le four central d'où sort la matière en fusion, où les maîtres verriers, véritables magiciens du feu, soufflent et forgent le cristal. Tout au bout, un petit couloir, une porte et, derrière, le calme de l'atelier d'Angélique Unterner et de ses collègues doreuses. Un univers exclusivement féminin dans une usine à majorité masculine.

Il y a parfois des hommes qui passent là, « mais ils ne restent pas », sourit Angélique. Ce matin, elle pose l'émail sur un vase d'Ispahan, une pièce rare de 1 878, ressortie des collections Baccarat pour être présentée au club des Meilleurs Ouvriers de France et remise au goût du jour pour l'occasion, avec des tons bleu turquoise et orange sanguine.

« À l'époque où ce vase a été conçu, on ne travaillait qu'avec des couleurs primaires. Il m'a fallu quinze jours pour réussir à composer ces nouvelles teintes », explique Angélique. Elle tourne délicatement le pinceau dans la couleur, en détaillant le procédé : « Vous voyez la bille que l'émail forme au bout du pinceau ? C'est cette bille qu'on va ensuite travailler. Il faut que ce soit bombé, qu'il y ait du relief sur le cristal. »

La tâche exige une patience infinie : les surfaces à couvrir sont parfois minuscules, de l'ordre de un millimètre carré, comme ces pétales de fleur bleus, ou les plumes rouges de l'oiseau. Surtout, ne pas se tromper : une erreur oblige à tout effacer. Le modèle posé à côté d'elle, Angélique se concentre. Elle a appris le métier sur place, en regardant et en écoutant les plus anciennes.

Ici, tout est affaire de transmission. Il n'existe aucune formation pour être doreuse. Angélique s'inquiète pour ce savoir-faire qui pourrait facilement se perdre. « Quand je suis arrivée en 2000, nous étions douze doreuses. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que quatre. »

 

 

À côté d'Angélique, sa collègue Jocelyne Arnaud applique une dorure sur des verres Empire. Des petites poussières s'étaient posées sur la première couche d'or, la cuisson les a transformées en bulles, il faut tout reprendre.

Pas question de laisser partir une pièce imparfaite. Une fois sortie du « moufle », un four à 500 degrés qui fixe l'or, il faudra encore frotter la dorure avec une pierre d'agate, pour la faire briller. C'est la fin d'un long processus de fabrication : chaque objet qui arrive ici est passé entre les mains de souffleurs, puis de tailleurs.

Pour certaines pièces rares, comme cette carafe qu'Angélique tient dans ses mains, il faudra encore des journées entières à l'atelier de dorure – « entre seize et vingt-quatre heures », estime la doreuse. La première face lui aura pris une journée entière. « Allez, prochaine étape demain ! Je vais la porter au four. » Mais d'abord, Angélique s'arrête et admire le travail fini : « Elle est sympa quand même, cette carafe ! »

Repères Riche en bois, en sable et en grès à quartz, ainsi qu'en eau, la Lorraine est connue depuis le XVIe siècle pour ses verriers. L'usine de Baccarat a, elle aussi, une longue histoire : fondée en 1764 sous le nom des Verreries de Sainte-Anne, elle s'est transformée en cristallerie en 1816. Passée entre les mains des familles d'Artigues, Godard, Toussaint, Michaud et Taittinger, puis cédée au fonds d'investissement américain Starwood Capital Group en 2005, Baccarat a gardé son savoir-faire. L'usine compte aujourd'hui dix-sept Meilleurs Ouvriers de France.

Paru dans Ensemble La CGT