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Santé au travail

Accidents et morts au travail : sortir du silence

28 avril 2025 | Mise à jour le 28 avril 2025
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Accidents et morts au travail : sortir du silence

La CGT appelle à manifester devant les hôpitaux partout en France, à l'occasion de la Journée mondiale pour la santé et la sécurité au travail, ce lundi 28 avril. À Paris, rendez-vous est donné à 11 heures, devant le centre hospitalier universitaire (CHU) Saint-Antoine, dans le 11e arrondissement. Ces initiatives doivent contribuer à rendre visible un fait social méprisé des dirigeants de ce pays.

Le constat demeure effroyable. En 2023, selon les statistiques de l'Assurance maladie, 759 personnes sont mortes au travail, soit 21 décès de plus qu'en 2022 ; 196 autres ont été emportées des suites d'une maladie professionnelle, soit une hausse de 7,1%. Au total, 1 287 personnes sont mortes à vouloir gagner leur vie, « dans un silence assourdissant des pouvoirs publics », dénonce la CGT dans un communiqué, qui alerte « sur la dégradation des conditions de travail et ses conséquences sur la santé des travailleurs et travailleuses » et demande « une réponse à la hauteur ». À l'occasion de la Journée mondiale pour la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses, ce lundi 28 avril, érigée en tant que telle par l'Organisation Internationale du Travail (OIT) en 1996, la CGT appelle à des rassemblements devant les hôpitaux, partout en France. À Paris, rendez-vous est donné à 11 heures, devant le CHU Saint-Antoine, à Paris, dans le 11e arrondissement.

Rendre visible l'invisible

La mobilisation des syndicats et des collectifs de citoyens, ainsi que les travaux de chercheurs contribuent au fil des années à rendre visible l'invisible, les accidents du travail et plus globalement les questions de santé au travail. « Ces questions de santé et de sécurité au travail sont des leviers revendicatifs extrêmement puissants qui contribuent à faire gagner des droits nouveaux. Dans les travaux publics, nous avons par exemple réussi à faire évoluer les congés intempéries de manière à prendre en compte les fortes chaleurs », témoigne Frédéric Mau, en charge de la thématique au sein de la CGT Construction-bois-ameublement, historiquement à la pointe du combat. Le militant se souvient du début des années 2000 où la journée du 28 avril agrégeait une poignée de convaincus. Le sujet a pris progressivement de l'ampleur, y compris au sein du syndicat. Au point que cette année, plusieurs unions départementales en Seine-Maritime, dans les Hauts-de-Seine, en Rhône-Alpes, dans le Puy-de-Dôme, etc., plusieurs fédérations, de la construction, du transport, de l'action sociale… répondent à l'appel. En 2023, 555 803 accidents ont touché essentiellement des ouvriers. Le travail temporaire, l'agroalimentaire, le transport, le BTP mais aussi l'action sociale et la santé dans le secteur privé sont les principaux secteurs concernés. L'intensification de l'activité, le sous-effectif, les horaires à rallonge, la précarité des statuts, le recours à la sous-traitance en sont souvent la cause. Relégués à la rubrique des faits divers, « les accidents du travail sont un fait social qui questionne les organisations du travail », selon Véronique Daubas-Letourneux, enseignante-chercheuse à l'École des hautes études en santé publique et auteure de Accidents du travail. Des morts et des blessés invisibles. Dans les Hauts-de-Seine, la CGT Santé a lancé une enquête auprès de salariés de dix Ehpad. Sur les 419 salariés qui ont répondu, en grande majorité des femmes aide-soignantes, agents de service hospitaliers (ASH), infirmières, plus du tiers ont déjà eu un accident du travail, 23% ne se souviennent pas d'avoir vu un médecin du travail. « Les résultats illustrent la sinistralité dans le secteur, la pénibilité des métiers, les licenciements pour inaptitude au mépris de l'accompagnement en termes de prévention au travail », commente Malika Belarbi, secrétaire de l'union syndicale départementale (USD) CGT 92, qui organise un rassemblement devant l'agence régionale de santé aujourd’hui. La militante se souvient de cette jeune infirmière de 35 ans agressée au couteau par un proche d'une résidente, qui a fait un AVC quinze jours plus tard. « Il a fallu se battre pour que sa maladie soit reconnue comme d'origine professionnelle. » Dans un secteur proche, l'aide à domicile, « les salariés sont exposées à une usure physique et psychologique importante, en raison des conditions d'exercice difficiles (postures, rythmes de travail, manipulation de charges…), associées aux risques chimiques et biologiques. Dans la branche, les accidents du travail sont quasiment trois fois plus nombreux que dans les autres secteurs. Les troubles musculo-squelettiques représentent 42 % des pathologies déclarées et les troubles dorsaux lombalgiques 43% », alerte la fédération CGT des organismes sociaux.

La sous-déclaration, un sport patronal

Les accidents du travail sont un « fait social », d'autant plus invisible que la sous-déclaration constitue un sport patronal. « La sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), dont le montant est estimé entre 2 et 3,8 milliards d'euros, vient, par ricochets, plomber le budget des indemnités journalières maladie, réformées dernièrement par le gouvernement Bayrou au détriment des malades », dénonce la CGT. Les employeurs sont d'autant moins incités à faire de la prévention des risques professionnels une priorité qu'ils ne craignent pas grand-chose en cas de rares poursuites pénales. « Après la mort de deux salariés d'une entreprise sous-traitante dans une explosion en 2018, Saipol, à Dieppe, a été condamnée à une amende de 250 000 euros, soit 0,3% de son chiffre d'affaires. Si l'amende était proportionnelle, comme c'est le cas en matière de fraude fiscale, les entreprises changeraient leur politique de prévention », observe Gerald Le Corre, militant en charge des questions de santé au travail au sein de la CGT Seine-Maritime, qui appelle à une mobilisation à 17H30 devant le palais de justice de Rouen.

Réforme létale

Dans la rue, les manifestants font le lien entre santé au travail et report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. « Une réforme létale. Nos gouvernants ont décidé de tuer des gens au travail pour de simples raisons d'équilibre économique. Dans le BTP, aucun employeur ne sait comment garder un salarié en bonne santé jusqu'à 64 ans », tempête Frédéric Mau, qui n'y va pas par quatre chemins. « Les réformes successives du système de retraite, qui repoussent l'âge de départ aujourd'hui à 64 ans, ont des conséquences catastrophiques sur la santé des travailleurs et travailleuses, et notamment sur la reconnaissance de la pénibilité. Avec la concertation ouverte par le Premier ministre François Bayrou, ce sont les services actifs et super actifs de la fonction publique qui sont sur la sellette. Concrètement, ce sont des métiers essentiels comme les aide-soignantes ou les égoutiers qui pourraient voir leur dispositif de départ anticipé supprimé. Rappelons que les égoutiers ont une espérance de vie inférieure de 17 ans à la moyenne générale : si cette réforme passe, ils seraient condamnés à ne jamais arriver à la retraite », dénonce la CGT. Cette dernière revendique des départs anticipés pour les métiers pénibles, le retour des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en intégrant la dimension environnementale, l'intégration de la médecine du travail dans la Sécurité sociale, le doublement du nombre d'inspecteurs du travail et des contrôleurs des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).