Annelies Ilena : la France accorde « un permis de détruire » au plus gros chalutier pélagique du monde
L'Annelies Ilena, le plus gros chalutier pélagique du monde, surnommé le « navire de l'enfer » par les ONG environnementales, fait encore parler de lui. Alors que l'on pensait le projet de la Compagnie des pêches de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), à 15 millions d'euros, avorté faute de quotas, Fabrice Loher, le nouveau ministre de la Mer, également maire de Lorient (Morbihan), a fini par avouer qu'il n'en était rien.
Pas de quotas pour la Pologne…
Pour remplacer le Joseph Roty II, un chalutier arrivé en fin de vie, la compagnie malouine a investi 15 millions d'euros dans une usine de transformation du merlan bleu à bord de l'Annelies Ilena, pour produire du surimi. Propriété de l'industriel néerlandais, Parlevliet & van der Plas, ce navire-usine navigue sous pavillon polonais. Or la Pologne ne détient pas de quotas de merlan bleu. Il était donc question d'un transfert de quotas de la France vers la Pologne, ce qui avait conduit, en février dernier, les associations environnementales comme Bloom ou l'association de protection de la mer et des marins, MorGlaz, à manifester. Réunies à Saint-Malo, elles s'inquiétaient que des capacités de pêche française puissent servir à un navire capable de pêcher 400 000 tonnes de poisson par jour, sans distinction. « Un volume qui incarne la prédation extrême de la pêche industrielle au détriment des pêcheurs artisans et côtiers », déplore l'association Bloom dans un communiqué. Les manifestants dénonçaient d'autant plus une hérésie écologique, qu'avec ses 145 mètres de long, contre les 90 mètres du Joseph Roty II, le chalutier ne passe pas les écluses malouines. Il devait donc décharger sa pêche aux Pays-Bas pour la rapatrier par camion à Saint-Malo.
Des tonnes de merlan transférées ?
En mai, au nom de « la souveraineté » de la pêche française, Hervé Bréville, alors secrétaire d'État chargé de la Mer, annonçait refuser le transfert car « l'enjeu est d'avoir des navires de pêche français et d'avoir des débarques dans nos ports français », livrait-il dans les colonnes du Pays Malouin. Seulement, après l'avoir démenti devant le Sénat, le nouveau ministre de la Mer a finalement confirmé à l'Assemblée Nationale, le 13 novembre, « que 22 000 tonnes de merlan bleu » (sur les 53 000 tonnes françaises) ont bien été échangées avec la Pologne avant sa prise de fonction, « mais non transférées ». Si l'Union européenne interdit tout échange sans contrepartie, l'élu n'en précise pas les termes, si ce n'est qu'ils « génèrent des retombées suffisantes pour la filière française ». Il ajoute même « qu'un nouvel échange de 15 000 tonnes de Merlan [vient d'être] validé avec la Pologne, contre 500 tonnes de cabillauds attribués au chalutier Émeraude ».
Si de prime abord, cela peut ressembler à un sursis accordé à une partie des 370 employés et marins, au chômage partiel depuis plusieurs mois, les associations qui ont de nouveau manifesté à l'appel d'Extinction Rebellion, le 11 novembre dernier à Lorient, ne voient pas les choses de la même façon. Pour elles, l'Annelies Ilena, de retour depuis peu dans les eaux européennes, en plus d'être « l'emblème de la destruction des écosystèmes marins », n'est pas une bonne nouvelle pour l'avenir de la pêche artisanale et les marins. « Un chalutier pélagique crée dix fois moins d'emplois qu'un navire de petite pêche », a calculé Bloom. Les associations appellent donc à maintenir la pression sur le gouvernement pour arrêter ce que Claire Nouvian, directrice générale de Bloom, appelle un « permis de détruire » accordé à l'Annelies Ilena.