Après avoir exploré la crise alimentaire dans « We feed the world », la crise financière avec « Let's make money », le réalisateur Erwin Wagenhofer questionne le modèle standardisé d'éducation avec « Alphabet ».
Le cinéaste autrichien porte à l'écran le dernier volet du cycle qu'il a appelé La trilogie de l'épuisement en s'interrogeant sur la manière dont les sociétés modernes éduquent les enfants, et surtout sur « l'attitude qui définit l'éducation ».
Alphabet met en cause les systèmes éducatifs, de plus en plus soumis à des objectifs de rentabilité et qui formatent les élèves pour en faire de dociles rouages. L'exemple le plus marquant, car le plus resserré dans le temps, est celui de la Chine où les enfants – généralement uniques – sont soumis à une pression parentale et sociale insoutenable dès leur plus jeune âge. Aucune place pour les activités ludiques et créatrices ; l'enfant est sommé de se bourrer le crâne par un gavage qui l'épuise, le préparant à devenir un maillon productif d'une société qui a opté pour un capitalisme étatique sauvage.
C'est lors du tournage de Let's Make Money, en 2008, que Wagenhofer s'est demandé comment des personnes formées aux meilleures écoles du monde pouvaient être responsables d'une crise mondiale : « Si c'est à cela que conduit la meilleure éducation formelle, alors il y a vraiment quelque chose qui cloche : c'est de ce constat qu'est née l'idée du film. »
POUR UNE ÉDUCATION CRÉATRICE
Erwin Wagenhofer a interrogé des spécialistes de l'éducation qui proposent d'autres pistes, telles celles de l'expert britannique Sir Ken Robinson, le Français Arno Stern et sa célèbre « éducation créatrice », le chercheur chinois Yang Dongping, mais aussi un responsable du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ou Pablo Pineda Ferrer, enseignant et premier Européen atteint du syndrome de Down (ou trisomie 21) à avoir obtenu un diplôme universitaire.
Opposant l'esprit de compétition et les facultés créatrices, Wagenhofer nous interpelle ainsi sur l'humanité que préparent des systèmes éducatifs fermés et normatifs, soumis uniquement à des objectifs de rentabilité et de productivité. Un documentaire éclairant, qui interpellera parents, enseignants, mais aussi tous ceux qui s'interrogent sur le monde légué aux générations futures.
Alphabet, d'Erwin Wagenhofer, 1 h 48.