À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
CINÉMA

Ascoval, des sidérurgistes aux nerfs d’acier

6 juillet 2019 | Mise à jour le 20 février 2020
Par | Photo(s) : Eric Guéret / Bonne Pioche télévision
Ascoval, des sidérurgistes aux nerfs d’acier

Dans un documentaire passionnant, le réalisateur Éric Guéret a suivi, pendant un an, le combat des métallurgistes de l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve afin de s’opposer à sa fermeture. Alors que leur lutte continue aujourd’hui, le film, déjà diffusé au mois de mars sur LCP, est à revoir sur Dailymotion.

L'histoire est connue. Elle a régulièrement défrayé l'actualité sociale depuis deux ans. Elle s'est presque imposée comme une série dans nos colonnes. Le nord de la France. Saint-Saulve, commune de 11 000 âmes. L'aciérie Ascoval, fleuron de la métallurgie française, est menacée de fermeture ; ses 300 salariés ont une année pour trouver un repreneur.

Dans Ascoval, la bataille de l'acier, le documentariste Éric Guéret suit une année de combat, en immersion, au plus proche des ouvriers, des responsables syndicaux et de la direction. Quelques mois plus tard, on aimerait pouvoir dire qu'il n'y a plus de suspense, mais les rebondissements douloureux continuent.

Après le soulagement de la reprise du site par Altifort, fin décembre 2018 – date à laquelle se termine le film –, nouveau coup de massue pour les ouvriers qui apprennent que le groupe ne peut réunir les fonds nécessaires à son projet. Ce sera, finalement, le sidérurgiste britannique British Steel qui reprendra l'aciérie avant qu’il ne soit à son tour déclaré en faillite sur son sol, il y a deux mois…

Éric Guéret, un témoin au plus près des faits pendant un an

Mais le film d'Éric Guéret dépasse cette lutte, car « la bataille pour sauver l'aciérie Ascoval est le symbole d'une bataille bien plus vaste qui nous concerne tous : face à la mondialisation, est-il possible de sauver l'industrie française ? » pose le documentariste dans son prologue. En effet, tout y est : baisse des coûts drastiques pour redevenir compétitif ; chasse au « gaspillage » ; sacrifices financiers ; retour sur les accords de temps de travail… Bref, une casse en règle des acquis sociaux au nom de la sauvegarde de l'emploi.

Face à la logique de compétitivité implacable assénée par la multinationale Vallourec, actionnaire et principal client de l'aciérie, les ouvriers passent par toutes les phases :
espoir ; incrédulité ; résignation ; colère. Et leurs témoignages, leurs paroles, tristement sincères, s'opposent aux éléments de langage de la plupart des politiques qui montrent un État démuni, réduit aux effets d’annonce et à l'incantation, malgré son statut d'actionnaire et ses multiples participations financières.

Des collusions nauséabondes qui confinent au scandale d'État

Certains rebondissements invraisemblables montrent même une oligarchie empêtrée, en coulisses, dans des collusions nauséabondes qui confinent au scandale d'État. Devant les caméras, on fait mine de se démener pour encourager la reprise alors que, en sous-main, on les décourage. L'analyse de la situation par Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, est à ce titre confondante de franchise.

Je ne suis pas un saint, mais je crois n’avoir jamais pratiqué comme ça.
Xavier Bertrand, ex-ministre de Sarkozy

L’ex-ministre de Sarkozy pointe ainsi « une volonté délibérée de saper le projet. Duplicité, tout simplement. J’ai été de l’autre côté de la barrière, ministre pendant sept ans… Je ne suis pas un saint, mais je crois n’avoir jamais pratiqué comme ça. Ils ont essayé par tous les moyens de saper la confiance dans le repreneur, de dissuader le repreneur. »

Pour Xavier Bertrand, l'État est sous tutelle de Vallourec dans le dossier Ascoval

« On pourrait penser que c'est l'État qui dirige, comme ils ont [sic] 17 % de Vallourec. Eh bien non ! C'est Vallourec, avec sa situation inquiétante. Et aussi, je le dis, avec les très bonnes connexions, la proximité, les amitiés qu'ils ont au cœur de l'État, et pas seulement à Bercy, qui tire complètement les ficelles. »

Et l’ex-ministre du Travail et de la Santé de dénoncer : « L'hyperproximité […], la complaisance d'État. Un jour, on est au cœur de l'État, dans les cabinets ministériels, et puis, le lendemain, on se retrouve à la tête d'une grande entreprise et on continue à se voir, à se parler. Ils sont tous copains. »

Un documentaire qui oscille entre tragédie, thriller politique et enquête

En suivant les tentatives des ouvriers de sauver leurs emplois dans cette sombre jungle, le film oscille entre tragédie, thriller politique et document d'enquête. Il constitue aussi une somptueuse photographie de la sidérurgie : cadrages en forme de tableaux ; réalisation soignée ; lumière maîtrisée, même dans l'antre du monstre de fer…

Éric Guéret met en images un lieu de travail monumental, éreintant et somptueux à la fois. Un lieu où se coordonnent des métiers hautement qualifiés qui transforment des débris en matières de pointe et en valeur ajoutée.

Chaque personne a une grosse responsabilité dans l'usine, et ça nous met en valeur. On sent qu'on sert à quelque chose et, nous, on n'a pas voulu perdre cet emploi-là.
Nacim Bardi, métallo et syndicaliste CGT

Le réalisateur révèle aussi la culture fraternelle des métallurgistes, soudés. « Chaque personne a une grosse responsabilité dans l'usine, et ça nous met en valeur. On sent qu'on sert à quelque chose et, nous, on n'a pas voulu perdre cet emploi-là. Quand l'usine va fermer, je vais me retrouver à travailler à la chaîne sans réfléchir, comme un robot  », explique Nacim Bardi, syndicaliste CGT.

Avant de poursuivre, la tête haute :« La sidérurgie, c'est vraiment un monde à part. On dirait des bourrins, mais non, derrière, il y a quand même un travail intellectuel. C'est vrai qu'on est sales, mais c'est l'environnement qui veut ça. »

Un témoignage primé, à voir – ou à revoir – en accès libre

« C'est un métier noble, confirme Olivier Burgnies, syndicaliste CFDT. Ça m'impressionne toujours qu'on parte de ferraille et de recyclage, et qu'on arrive à un produit fini avec une haute valeur ajoutée. » Diffusé sur LCP le 16 mars dernier, primé du Grand Prix d'or au festival Écrans publics le 2 juillet, le film est à voir – ou à revoir – en accès libre, disponible sur Dailymotion et ci-dessous.

NVO, la Nouvelle Vie Ouvrière, le journal de l'actualité sociale, syndicale et juridiqueAscoval, la bataille de l'acierdocumentaire réalisé en 2018 par Éric Guéret, durée : 1 h 25 min.

Ascoval : le redressement judiciaire de British Steel jette le trouble

Développer une nouvelle stratégie industrielle