4 septembre 2023 | Mise à jour le 4 septembre 2023
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, s’est rendue dans le Valenciennois pour soutenir le combat des 340 salariés de l’entreprise ferroviaire, qualifié de « priorité de la rentrée de la CGT ». Après le retrait de l’actionnaire, les candidats à la reprise ont jusqu’au 8 septembre pour se faire connaître.
Au printemps, ils avaient déjà arrêté le travail pendant un mois. Ils viennent de se remettre en grève reconductible. Les 330 salariés de Valdunes n’en peuvent plus de l’incertitude, depuis que leur actionnaire chinois, MA Steel, a annoncé en mai qu’il ne financerait plus l’entreprise. « Avant les congés, on aspirait à la pause. Maintenant, on aspire à savoir… », résume Gaëlle Maréchal, élue CGT, qui travaille au service des expéditions. Valdunes comprend un site d’usinage à Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes, et une forge à Leffrinckoucke, près de Dunkerque. Elle est la dernière entreprise française à fabriquer des essieux ferroviaires.
En chômage partiel à tour de rôle
« On entend matin, midi et soir le gouvernement dire : « On réindustrialise, l’industrie va bien. » Mais ce n’est pas du tout la situation sur le terrain », dénonce Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, venue à Trith-Saint-Léger le 1er septembre. Martin (1) ne dira pas le contraire. Nous avons pu échanger avec lui lors de la visite de l’entreprise, accordée à la délégation CGT par la direction de l’entreprise. Opérateur sur un tour d’usinage, il en a régulièrement deux à piloter en parallèle. L’entreprise a en effet trouvé une solution pour faire des économies : « On vient de nous annoncer que la semaine prochaine, je suis en chômage partiel et mon collègue vient travailler », explique Martin. Chacun leur tour, ils cumulent donc deux postes de travail, avec fatigue et stress supplémentaires.
Si on ne garde pas Valdunes dans son intégralité, on perd son savoir faire et on ferme dans deux ans
Placée en procédure de conciliation par le tribunal de commerce, Valdunes intéresserait deux de ses concurrents, le tchèque Bonatrans et l’italien Luchini, qui ont visité l’usine de Valenciennes cet été. « Ils viendront chercher nos carnets de commandes et ils partiront », prévient Maxime Savaux, délégué CGT à l’usine de Trith, qui rejette par ailleurs toute solution qui séparerait les sites de Valenciennes et de Dunkerque. « Si on ne garde pas Valdunes dans son intégralité, on perd son savoir faire et on ferme dans deux ans », résume Philippe Lihouck, délégué CGT à la forge. Ils savent de quoi ils parlent : avant que MA Steel remporte la mise en 2014, Luchini avait proposé de racheter l’entreprise mais sans la forge, tandis que l’allemand GHH, actionnaire de Bonatrans, était entré au capital de Valdunes en 2007, avant de se retirer.
Une nationalisation qui peut être temporaire, au moins pour sécuriser l’avenir
La CGT, qui a bâti un « projet pour l’avenir de Valdunes », demande à l’État de prendre ses responsabilités. Tout d’abord, en réclamant à l’actionnaire chinois de rembourser les plusieurs millions d’euros d’aides publiques, alors qu’il n’a quasiment rien investi dans l’entreprise et supprimé 170 postes depuis le rachat. « Il faut que l’État sécurise la trésorerie de l’entreprise », poursuit Sophie Binet. Les besoins seraient de dix millions d’euros. Comparé aux 200 milliards d’euros d’aides annuelles aux entreprises, « c’est l’opération « pièces jaunes » », ironise la secrétaire générale de la CGT, qui évoque également « une nationalisation qui peut être temporaire, au moins pour sécuriser l’avenir ».
Pour la reprise, le plan de la CGT propose un « consortium » alliant la SNCF et Alstom, « le premier en tant que commanditaire public et le second en tant que donneur d’ordre faisant déjà appel à l’expertise de Valdunes ». La SNCF, qui a commandé jusqu’à 55 000 roues par an à Valdunes, ne lui en achète plus que 7 500, préférant se fournir essentiellement en Espagne. Les besoins sont énormes, notamment pour « la rénovation de 8 000 trains du parc TER d’ici 2032 ». La RATP, déjà cliente, détient également une partie de la solution, si Valdunes est retenu pour équiper « les nouveaux trains dédiés aux RER B et C », dont le coût global est évalué à « deux milliards d’euros chacun ». Mais aussi Voies navigables de France (VNF), susceptible de faire appel à l’entreprise pour ses galets d’écluses.
« Il faut investir, relancer la machine », résume Philippe Lihouck. Ce qui suppose une réelle politique d’État, au-delà des belles paroles sur « l’industrie verte », la « réindustrialisation » et le vœu pieux « que la France devienne la première nation décarbonée en Europe ».
(1) Prénom modifié.