16 août 2023 | Mise à jour le 21 août 2023
Par
Cyrielle Blaire
| Photo(s) : Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Sur la route des vacances, les automobilistes n'auront pu que constater une hausse significative des prix affichés lors de leur passage aux péages. En février, la tarification a effet augmenté de 4,75% en moyenne, contre 2% seulement en 2022. De quoi en ulcérer plus d'un et raviver le sujet, ô combien polémique, de la privatisation des autoroutes décidée par le Premier ministre Dominique de Villepin en 2005.
En janvier, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) révélé par le Canard enchaîné a remis le sujet sous les projecteurs. D'après l'instance de contrôle, la concession au privé des autoroutes, sans contrôle ni régulation, aurait entraîné une rente indue, évaluée par Bercy à hauteur de 55 milliards d'euros. « Ils ont bradé les autoroutes pour 11 milliards à l'époque, mais sans regarder de près les contrats et sans mettre de garde-fous. C'était un très mauvais calcul », constate Richard Lopez, en charge de la branche autoroute, à la fédération des transports de la CGT. Ce rapport de l'IGF, en date de 2021, n'a jamais été publié. Et pour cause, il plonge le gouvernement actuel dans l'embarras.
Plainte
En juin, l'association Anticor a déposé plainte auprès du Parquet national financier pour délit de favoritisme dans le cadre de la renégociation des contrats de concession autoroutières de 2015. « La privatisation a entraîné des superprofits qui se sont encore accrus de 4 milliards suite à la décision en 2015 de prolonger les contrats. Ce sont les conditions de la décision publique qui ont posé problème. Il y a eu un manque de contrôle de l'Etat dans l'exécution du contrat. Octroyer des avantages injustifiés constitue un délit de favoritisme. Et ces décisions ont été prises au plus haut sommet de l'Etat », fait savoir Clarence Bathia, juriste d'Anticor.
Les profits colossaux des sociétés d'autoroute se font sur le dos du plus grand nombre
Ce sont en effet Elisabeth Borne et Alexis Kohler, à l'époque respectivement chefs de cabinets de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, et d'Emmanuel Macron, à l'économie, qui étaient en charge de ficeler les contrats. En contrepartie de 3,2 milliards de travaux à réaliser, les sociétés privées ont obtenu le rallongement de leurs concessions de deux à cinq ans. Une aubaine. L'autorité de régulation, qui aurait dû être consultée dans le cadre des négociations, a été mise sur la touche. L'Etat s'est placé pieds et poings liés pour le plus grand profit de Vinci et d'Eiffage, principaux concessionnaires et au détriment du contribuable.
La prolongation de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse, vieux projet de 30 ans très contesté, illustre l'enfermement de l'Etat dans sa logique de complaire aux intérêts du privé. « Les profits colossaux des sociétés d'autoroute se font sur le dos du plus grand nombre et contre l'environnement, avec l'aval des pouvoirs publics », fustige une note du service économique de la CGT, rédigée à propos de ce projet décrié sur le plan écologique.
Projet dépassé
44 km de nouvelles routes qui bétonneront des zones humides, 366 hectares artificialisés, 185 de plus consacrés aux travaux… Le projet d'autoroute, qui doit doubler la RN 126 existante pour raccourcir l'axe Toulouse-Castres, fait grincer des dents les défenseurs de l'environnement qui le jugent inutiles. « C'est un projet dépassé. La Nationale pourrait être doublée. Mais l'Etat a déjà entamé les travaux pour satisfaire le concessionnaire qui a communiqué sur ce dossier avec des chiffres aberrants. Pour gagner du temps entre Castres et Toulouse, il faudra rouler à 200 km/h », constate Lionel Romanet, membre du bureau de l'UD CGT du Tarn, qui s'est publiquement opposée aux travaux. Le 2 août, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le recours déposé par les opposants à l'autoroute A69 qui aurait permis la mise en pause des travaux.