Hôpital public : un démantèlement programmé ?
Samedi 14 septembre, à Nantes (Loire-Atlantique), près de 300 personnes se sont mobilisées pour dénoncer « le démantèlement du service public de santé ». Un appel... Lire la suite
Sans doute s'est-il passé quelque chose d'inédit, lors de la journée nationale de mobilisation dans les secteurs de la santé et de l'action sociale, le 15 octobre dernier, à l'appel, pour ce qui est de la CGT, de quatre fédérations professionnelles (services publics; santé et action sociale; organismes sociaux; commerce et services), Car on a vu, ce jour-là, converger les personnels hospitaliers, ceux des Ehpad, mais aussi – et c'est assez nouveau – ceux travaillant dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPA), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD).
Dénominateur commun de tous ces travailleurs, mais surtout, et massivement, de ces travailleuses, ce sont les petites mains du «care», autrement dit des professionnelles du «prendre soin». Des professions taraudées par une insatisfaction, voire une colère sociale qui ne date pas de la crise sanitaire, mais dont la pandémie a mis en lumière le caractère essentiel pour notre vie à tous. Des professions qualifiées ou non qui, probablement parce qu'elles sont massivement féminisées, souffrent toutes d'un manque de reconnaissance salarial et de conditions de travail dégradées.
Et, pourtant, ces professions sont pleines d'avenir à en juger par les chiffres. Ces métiers du domaine de la santé et de l'action sociale, et plus largement du « care » ont le plus contribué à la croissance des professions du tertiaire, avec 1,35 million d'emplois supplémentaires en trente ans (source : Dares 2017). Pour le seul secteur de l'aide à domicile, entre 2008 et 2016, la croissance des emplois a atteint 38,5%, selon les chiffres de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques).
Une progression qui s'explique par le vieillissement de la population et le maintien à domicile des personnes âgées ; une natalité dynamique impliquant une croissance des modes de garde; le développement croissant de nouveaux modèles familiaux ; une mise en place de mesures économiques incitatives (réductions fiscales, allocation personnalisée d'autonomie, Cesu); la création d'organismes agréés de services à la personne. Dans ces évolutions, il est aussi à noter un changement dans la nature des employeurs de l'aide à domicile.
Ainsi, toujours selon la Dares, en 2018, l'activité dans les services à la personne a connu une augmentation des heures rémunérées par les organismes prestataires (+ 1,1%), et une baisse plus importante de l'emploi direct (-1,6%). Cette année-là, des particuliers employaient quelque 863200 intervenants. Dans le même temps, les organismes prestataires employaient près de 450100 intervenants.
Parmi les travailleurs non qualifiés, ceux du «care», en particulier, les aides à domiciles, aides ménagères et assistantes maternelles perçoivent le salaire mensuel net médian le plus faible depuis 1990-1992. En 2014, les salariés des services à la personne ont perçu en moyenne 8200 euros net dans l'année, soit 683 euros mensuels. Mais, pour les salariés du particulier employeur, le salaire annuel moyen tombe à 5200 euros dans l'année, soit 433 euros par mois, tandis que ceux exerçant exclusivement pour un prestataire ont un salaire annuel moyen de 7 800 euros (650 euros mensuels).
En effet, ces derniers effectuent plus d'heures dans l'année (931 heures en moyenne contre 557 heures en moyenne pour ceux travaillant exclusivement pour un particulier employeur), ce qui vient compenser un salaire horaire plus faible pour les salariés d'organismes prestataires (8,40 euros net) que pour les salariés de particuliers (9,40 euros net).
Les salariés des services à domicile sont très majoritairement des femmes (87,3% en 2015 contre 50,1% pour les autres catégories de salariés). Et, selon la Dares, depuis 2004, leurs conditions de travail et d'emploi évoluent de manière assez défavorable en comparaison avec la population en emploi salarié, malgré une croissance plus forte du niveau de diplôme dans le secteur. En revanche, près de la moitié des salariés des particuliers employeurs n'ont aucun diplôme. Un taux qui n'est que d'un tiers pour ceux employés par les organismes et associations.
Et parce qu'elles cumulent horaires de travail plus atypiques et salaires horaires plus faibles, celles qui travaillent pour des prestataires (associations, services d'aide à domicile) ont les conditions de travail les moins favorables. Un désavantage «compensé» par la possibilité de travailler plus d'heures et, donc, de percevoir en moyenne un salaire annuel plus élevé.
Outre un salaire horaire faible, le temps partiel est bien une des causes principales de la paupérisation des travailleuses et travailleurs des services à la personne. On parle là d'un temps partiel subi puisque, selon la Dares, «53% des salariés de SAP [secteur des services à la personne] indiquent ne pas avoir pu trouver d'emploi à temps plein comme raison principale de leur travail à temps partiel, contre 42% pour l'ensemble de la population en emploi salarié ».
Quant aux horaires de travail, là aussi, les travailleuses et travailleurs des services à la personne connaissent, plus que tous les autres, des horaires atypiques. En particulier quand ils travaillent pour des organismes ou des associations. Dès lors, ces conditions d'emploi, cumulées à des tâches physiquement et psychologiquement souvent très lourdes, ont un impact sur la santé de ces salariés des services à la personne. Interrogés par la Dares en 2015, 6% déclaraient être en mauvaise santé (contre 3% pour les autres catégories de salariés) et avoir des problèmes de santé durables (28,6%, contre 19,9% pour les autres catégories de salariés).
Déjà fragilisées socialement, ces professions du soin et de l'assistance à domicile, mais aussi en établissements ont été particulièrement éprouvées dès les premiers jours du confinement. Nombre de ces travailleuses se sont retrouvées contraintes d'exercer sans les protections minimales auprès de personnes âgées vulnérables, tandis que des milliers d'assistantes maternelles perdaient leurs contrats puisque les parents étaient en télétravail. La pandémie est venue aggraver une situation sociale très dégradée en même temps qu'elle a permis de mettre en lumière l'importance, l'utilité et les fragilités de ces professions du « care ». Des professions comme les assistantes maternelles qui, bien avant la pandémie, se sont rassemblées dans les collectifs des Gilets roses pour exiger d'être reconnues.
Et qui revendiquent aujourd'hui, non seulement le versement de la prime Covid qui leur a été refusée, mais aussi l'augmentation de leur taux horaire. Parmi ces professions du «care», la pression revendicative est désormais forte et, si elle n'est pas forcément spectaculaire ou très médiatisée, elle oblige néanmoins le gouvernement à bouger.
C'est ainsi que les aides à domicile, largement oubliées par le Ségur de la santé, ont obtenu mi-octobre de la ministre déléguée à l'Autonomie que soit déposé un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui prévoit que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) verse chaque année « une aide » de 200 millions d'euros aux départements qui financent les professionnels de l'aide à domicile.
Si, probablement, le compte n'y sera que très partiellement en termes d'augmentation des salaires, restent d'autres revendications portées, notamment le 15 octobre dernier. Car ces salariées du «prendre soin» subissent des sous-effectifs chroniques entraînant des charges et des rythmes qui font perdre le sens de leur travail. «Entre un manque de moyens chronique et des exigences éthiques des soignants se nichent des formes de souffrance assez importantes », prévient ainsi Pascale Molinier chercheuse en psychologie sociale.
La souffrance au travail de ces salariées est un enjeu majeur auquel une seule réponse pécuniaire partielle ne saurait répondre. Ce qui est posé à travers la situation faite à ces travailleurs du «care», c'est l'attention que porte notre société aux besoins de chacun, et plus particulièrement à ceux des plus faibles. Si leur travail n'a pas de prix, alors notre société doit en assumer le coût
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