À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
métier

Béatrice Creton, éleveuse laitière

27 juillet 2016 | Mise à jour le 9 février 2017
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Béatrice Creton, éleveuse laitière

Elle a repris la ferme familiale avec son frère il y a une vingtaine d'années. Dure à la tâche, Béatrice peine à tirer un salaire de son travail depuis la fin des quotas laitiers.

Un brouillard épais enveloppe le corps de ferme. À deux pas, un beuglement indique la direction de l'étable. Il est 6 h 30 – l'heure de la traite du matin – et les vaches tirées du sommeil se redressent dans leurs logettes. « Allez debout », leur intime gentiment Béatrice, en encourageant les lève-tard d'une tape sur le derrière.

L'éleveuse pousse les soixante-dix bêtes en direction de l'aire d'attente. Dans la salle de traite, elle allume les machines. France Bleu Normandie retentit.

Les premières vaches s'avancent sur le quai de traite et Béatrice place les maladroites. « Vas-y, avance », dit-elle à une bête mal positionnée. Avant de fixer sur chacune les « griffes » de l'appareil à traite, elle badigeonne les pis d'un produit désinfectant. « Pour prévenir les mammites. » Les gestes sont attentionnés.

Ses vaches, Béatrice en apprécie les couleurs aussi variées que les caractères. Holstein, pie rouge, normandes, montbéliardes au fort tempérament…

Béatrice aime tout, sauf « pousser ses bêtes ». La doyenne a douze ans. « Si on ne leur demande pas trop de produire, elles sont plus résistantes, raisonne-t-elle. On peut demander du rendement à une terre, mais les animaux c'est du vivant. »

 

Le mois dernier, le lait lui a été payé 306 euros les mille litres par la coopérative. « On a eu un bonus parce qu'on a fait de la qualité. Mais il nous faudrait au moins 340 euros pour tout payer et se faire un petit revenu », commente-t-elle.

Installée en Gaec (groupement agricole d'exploitation 
en commun) avec son frère sur la ferme familiale, Béatrice est une « patronne salariée ». « Au niveau compta, on déclare un salaire au Smic. Mais ça reste virtuel, on ne prend pas ce qu'on n'a pas. »

Le bâtiment construit en 2010 n'est toujours pas remboursé. Et avec la chute du prix du lait due à la fin des quotas laitiers, il est devenu difficile de vivre. « Beaucoup arrêtent », reconnaît Béatrice, un broc de lait destiné aux petits veaux à la main. Et ne lui parlez pas de vacances. « On n'en est pas mordu », répond celle qui n'en prend jamais.

Une fois toutes les bêtes nourries, l'aire rabotée et nettoyée et les litières des vaches « paillées », la matinée n'est pas finie : Béatrice file vers une seconde exploitation, où sont établies une quinzaine de génisses, afin d'aider son frère à rentrer plusieurs tonnes de granulés. Le repas vite avalé, Béatrice décide d'aller inspecter les clôtures, car les vaches vont retourner dans quelques jours au pâturage.

« Mettre les bêtes à l'herbe, c'est une qualité qui se paie. Le jour où il n'y aura plus d'élevage, tout ça sera à l'abandon, dit-elle en contemplant les environs. Mais un paysage, c'est quand même plus beau vert avec des bêtes dedans. »


Repères

Les quotas laitiers ont pris fin le 1er avril 2015. Depuis, le lait déborde et les prix de rachat ont plongé pour les éleveurs français, mis à mal à la fois par l'embargo russe et la concurrence de pays plus productivistes.

Les exploitations qui ont le plus investi (nouveaux bâtiments, agrandissement 
du cheptel, robots de traite…) sont les plus en difficulté. Pour enrayer la crise, la Commission européenne vient de donner son feu vert à une réduction temporaire de la production.