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COMMERCE

BHV : l’emblématique enseigne parisienne, menacée de disparition

23 août 2024 | Mise à jour le 23 août 2024
Par | Photo(s) : MARTIN BUREAU / AFP
BHV : l’emblématique enseigne parisienne, menacée de disparition

Retards de paiement des fournisseurs comme des prestataires, rayons vides, corners de marques à la peine, climat et dialogue social délétères… Rien ne va plus au Bazar de l'Hôtel de ville. Depuis son rachat en 2023 par un jeune homme d'affaires de 32 ans, Frédéric Merlin, ça déchante au BHV.

Le célèbre magasin de la rue de Rivoli soufflera-t-il sa 170ème bougie ? Rien n'est moins sûr. « Dès les premiers mois d'exploitation par la Société des Grands Magasins (SGM), (qui a repris l'enseigne au groupe Lafayette, NDLR),  on a constaté d'inquiétants dysfonctionnements de gestion, qui n'ont fait qu'empirer », relate Florine Biais, déléguée syndicale centrale CGT du BHV. Au départ, les retards de paiement dus aux marques, enseignes et prestataires étaient ponctuels. Peu à peu, ils sont devenus récurrents, au point de mettre en péril les boutiques présentes à tous les étages du magasin.

Un modèle économique payant, qui ne paie plus… ses fournisseurs

En neuf mois de gestion par la SGM, le modèle économique n'a pourtant pas varié : les 320 corners (marques, boutiques, stands…) installés sur les 38 000 mètres carrés de surface du BHV Marais, ainsi rebaptisé en 2013, réalisent des ventes produisant un chiffre d'affaires annuel d'environ 300 millions d'euros. Les achats effectués dans les magasins sont tous encaissés par le BHV qui doit ensuite reverser à ses fournisseurs (marques et enseignes) une part des recettes diminuée du coût du loyer, lequel varie en fonction de l'emplacement et de la surface occupée par chaque corner.  Or, ces reversements accusent des retards de plus en plus longs, jusqu'à plusieurs semaines et dans certains cas, plusieurs mois. Et cela pèse lourd sur la trésorerie des enseignes qui doivent rémunérer leurs propres fournisseurs et leurs propres salariés.

Des rayons et étages vides

Rendus à l'impossibilité matérielle de se réapprovisionner, certains corners ont fermé boutique, à l'instar de la célèbre enseigne de décoration Madura, tandis que d'autres menacent de se retirer.  Pendant ce temps, les rayons et les étages du BHV se vident peu à peu. « Même les enseignes historiques qui marchaient très bien, le bricolage, la literie, la librairie ne parviennent plus à se réapprovisionner et du coup, à anticiper l'avenir », s'alarme Florine Biais. A l'unisson avec ses collègues d'une intersyndicale très soudée (CGT-CFTC-CFDT-SUD-CFECGC) que la nouvelle direction SGM n'a eu cesse de tenter de diviser, Florine se dit très inquiète : «une part importante du chiffre d'affaire se réalise sur la période des fêtes de Noël et de fin d'année, mais c'est en octobre qu'il faut engranger les approvisionnements. Or, les stocks actuels sont presque épuisés et si les retards de paiement des enseignes ne sont pas résorbés d'ici là, on court à la catastrophe », prévient-elle.

Les prestataires, logés à la même enseigne

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les prestataires (entretien, nettoyage, sécurité, etc) se font la malle : « faute d'être payés à temps, les prestataires en nettoyage et propreté ne veulent plus venir au BHV et conditionnent l'exécution de leur contrat au versement préalable des arriérés », précise Florine Biais. De son côté, la direction du magasin tente de minimiser les charges qui l'accablent. Dans sa réponse au journal Mediapart du 12 août, la SGM conteste les délais des retards de paiement aux enseignes : qui ne seraient que de quelques semaines et pas de plusieurs mois ; dont les montants se calculeraient en centaines de milliers d'euros et non en millions ; qui ne seraient que transitoires et dus, non pas à des errances de gestion, mais à la mise en place d'un nouveau système comptable, lequel se heurterait aux anciens process hérités des Galeries Lafayette résultant aujourd'hui  incompatibles avec « un grand projet de redynamisation qui permettra au BHV de revenir à l'équilibre économique…»

L'expertise du droit d'alerte, présentée en septembre

Bref, autant d'éléments de langage enchanteurs, mais qui, sortis de la bouche de Frédéric Merlin, à la manœuvre depuis neuf mois avec les résultats qu'on voit, peinent à convaincre les partenaires du BHV. Et encore moins ses syndicats. A telle enseigne que, dès le 24 mai, l'intersyndicale- BHV déclenchait un droit d'alerte afin que soit faite toute la lumière sur les opacités de gestion économique de l'entreprise. Les conclusions du rapport d'expertise seront présentées au CSEC (comité social économique central) le 13 septembre. A l'appui de quoi, l'intersyndicale peaufinera et ajustera sa propre stratégie de sauvegarde des emplois et de l'activité, afin d'éviter un « crash dans le mur » annoncé.  Une grève des quelque 800 salariés du BHV est à l'étude.