Lillian, militant de la CGT, tué par un chauffard.
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Se pencher sur la vie de Robert Piot, alias Bob, ce n'est pas simple. On se sent un peu comme les historiens de la série de Mordillat « Corpus christi », les sources manquent. Il n'y a pas d'écrit, mais quelques témoignages oraux laissés auprès de ses ami-e-s ou vécus. Mais ces témoignages oraux sont distillés. Bob, si enclin à parler politique ou syndicalisme était un taiseux quand il s'agissait de parler de l'intime.
D'abord, nous savons que c'était un titi parisien même s'il n'en avait pas forcément l'accent. Il est né, le 16 février 1952, à Paris, dans le dixième arrondissement, a vécu une bonne part de son enfance et de son adolescence du côté de la place des Fêtes, dans le dix-neuvième et a toujours évoqué ses souvenirs de ce Paris populaire. Sa mère était marchande des quatre saisons, « marchande de quatre », comme il disait. Il parlait peu de son père, nous n'en savons rien. Il avait des frères et des sœurs, mais Bob avait aussi d'autres familles.
À l'âge de 14 ans, il a commencé à travailler. Il a connu des tas de métiers, passant de l'un à l'autre comme beaucoup d'autres que lui dans ces années 60 et 70 (tout du moins au début) où, comme le chantait Ferrat dans Pauvres Petits Cons, « Il y a des places en usine ». Nous savons qu'il a passé quelques années, à la jonction des décennies 70 et 80, chez Cadbury, les biscuits Fingers. C'est là qu'il a adhéré à la CGT et découvert la lutte. Il en parlait souvent, avec une fierté non déguisée.
Puis, au milieu des années 80, il se retrouve embauché comme contractuel à la mairie de Gennevilliers (92). Il faisait partie des petites mains, afficheur municipal. Il était aussi militant politique, collait les affiches du « Parti », et était membre du service d'ordre, constructeur des stands à la Fête de l'Huma, faisant la tournée des viticulteurs et agriculteurs pour aller chercher leurs « produits régionaux ».
Il militait aussi à la CGT, au syndicat des territoriaux de la ville, dont il a été longtemps membre du bureau. À ce titre, il a « piloté », pour le bureau, une longue grève des animateurs et animatrices à la fin des années 90.
Puis, il fut de ceux qui lancèrent le premier comité de chômeurs de la CGT, à Gennevilliers, à l'origine du syndicat des privés d'emploi et précaires d'aujourd'hui. À l'origine, il était encore salarié lorsqu'il fit le choix de s'engager dans cette tâche particulière, aux côtés notamment de François Desanti, qui était le premier animateur national de la CGT Chômeurs comme on disait alors.
Ensuite, au début des années 2 000, licencié de la mairie de Gennevilliers, il a connu une période très difficile : expulsion de son logement, travaillant ici et là, de bric et de broc, sans véritable revenu ni couverture sociale. Des camarades ont essayé de l'aider, notamment dans la CGT, mais pas seulement, mais c'était difficile d'aider Bob, il ne se préoccupait guère de lui-même, ne parlait que très peu de ses problèmes. Mais peu à peu, il a remonté la pente, un tel lui prêtait son appartement, un autre l'hébergeait. Après une période de pause, il s'est investi de nouveau dans la CGT chômeur qui était pour lui une sorte de famille. Il y a trouvé sa chère compagne, Françoise.
Le départ prématuré de sa fille, en 2005, a accentué son mal-être. Longtemps après, tous les ans, il disait : « aujourd'hui, c'est l'anniversaire de ma fille ». Cela a été une invitation supplémentaire à participer à toutes les luttes possibles. Le militantisme était le ressort qui le faisait tenir. Et il y a connu tellement de moments de joie, de fraternité, c'était tout ce qu'il demandait.
Certains militants négligent de s'occuper d'eux-mêmes, tant ils ne font, selon encore le mot de Ferrat, « que penser aux autres ». Pour Bob, c'était paroxystique. On avait beau le tancer, il se battait pour le droit à la retraite ou à la santé pour toutes et tous, mais ne s'occupait pas de sa retraite, encore moins de ses soins. Quand il venait manger chez l'un·e — ou l'autre, il fallait toujours insister pour le garder, il n'était venu que pour l'apéro…
Bob, c'était un grand cœur et un grand militant, un fier « chômeur rebelle », connu comme le loup blanc dans la grande maison de Montreuil comme il l'appelait. C'était le participant infatigable à de nombreuses actions comme l'occupation des Assedic puis de Pôle Emploi, les « recalculés », les sans-papiers, les saisonniers, la caravane de la CGT dans le Tour de France, et tant d'autres encore…
Sa mort, c'est l'accusation grandeur nature du système capitaliste. Depuis quelque temps, il n'était pas bien, mais il disait, qu'il avait des problèmes de dos, du genre sciatalgie ou lombalgie. Tu parles !!! Les camarades lui disaient de se soigner, certains de la CGT privés d'emploi ou de la confédération l'ont même entraîné aux urgences. Mais, sans soins réguliers, dans cette société de requins, et en particulier dans cette période où la crise de la Covid a relégué d'autres pathologies tandis que l'hôpital fait face à un manque considérable de moyens, son destin était scellé.
Bob, c'était plus que le syndicaliste que tout le monde ou presque connaissait. C'était un vrai militant ouvrier, engagé et désintéressé, qui ne militait ni pour la place, ni pour la gloire, mais pour la « grande cause du mouvement ouvrier ». C'était aussi un homme présent pour ses ami-e-s, toujours prêt à rendre service, le cœur sur la main.
Sa mort nous prive d'un grand bonhomme, désintéressé, un de ceux qui ont fait, qui font et qui feront la CGT.
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