Loi Travail : l'opinion ne marche pas
Alors que sept Français sur dix perçoivent la réforme du Code du travail comme une menace pour les salariés, un sondage Odoxa montrait vendredi que près de deux sur trois (63... Lire la suite
En 2015, comme lors du précédent relevé de 2014, les ingénieurs, cadres et techniciens (ICT) continuent de constater une dégradation de leur situation professionnelle. Un sentiment relevé dans tous les aspects sondés par Viavoice : rémunération, pratiques managériales, gouvernance de l'entreprise, qualité de vie au travail, éthique professionnelle, perspectives d'évolution, temps et charge de travail, équilibre entre vie privée et vie professionnelle… L'ensemble se traduisant par un ressenti largement partagé de manque de reconnaissance professionnelle.
Le salaire est estimé en inadéquation au degré d'implication dans le travail (56% des interrogés), à la charge de travail (54%), au temps de travail réel (55%), à la qualification et aux responsabilités (46%). Pire encore pour les femmes : la non-prise en compte de la qualification et de l'implication professionnelles atteint respectivement 50,2% et 60,1% d'insatisfaction chez les femmes.
Autre motif de mécontentement: les pratiques managériales. Pour 47% des cadres, elles ont continué de se détériorer en 2015, atteignant un pic de 57,6% d'insatisfaits parmi les cadres de la fonction publique d'État. Globalement, les cadres déplorent une négation de leur rôle d'encadrement, et le fait d'être de moins en moins, voire pas du tout, associés aux décisions stratégiques qu'ils ont par ailleurs la responsabilité de mettre en œuvre.
Une pratique managériale suscite particulièrement le rejet : le système de l'évaluation individuelle. D'abord, en raison de son manque de transparence, pour 59% des sondés. Ensuite, parce que cette démarche n'est pas fondée sur de bons critères, estiment 65% d'entre eux. Une fois de plus, c'est dans la fonction publique d'État que le pic de ressentiment est au plus haut (61,4% sur le critère de non-transparence et 73,5% sur celui de la non-pertinence).
Pour l'Ugict-CGT, ces résultats sont un révélateur du véritable objectif du système d'évaluation : intégrer les cadres à des choix de gestion sur lesquels ils n'ont pas été consultés, ce qui revient, de facto, à nier implicitement leur expertise professionnelle et ce, au risque d'être contre-productifs pour l'entreprise. De fait, 73,4% des interrogés déclarent ne pas se sentir associés aux choix stratégiques. Un sentiment de dépossession également plus fort dans le secteur public (83,4 % pour 70,2 % dans le privé).
L’éthique et les questions de déontologie professionnelles ne sont pas spécifiques aux ICT. En revanche, ils y sont confrontés de manière spécifique – lorsqu’il s’agit d’exécuter des décisions de leur direction contraires à leur éthique. Se soumettre ou se démettre, tel est le dilemme. Loin de l’épiphénomène, ce problème est très répandu, 55% des sondés se disant régulièrement confrontés à des contradictions entre leur éthique professionnelle et l’exercice de leurs responsabilités. Pour l’Ugict-CGT, cela confirme la «mise à mal» de l’éthique professionnelle. Mais encore, cela traduit une aspiration grandissante des cadres à mettre en œuvre des stratégies dans le respect de leur déontologie.
Les récents scandales révélés par les lanceurs d’alerte attestent de la montée de ce phénomène confirmé par deux précédents sondages, en 2010 (53 %) et 2014 (55 %). L’Ugict en a pris toute la mesure et propose, à très juste titre, la création de droits nouveaux : droit d'alerte, droit de refus, droit de proposition alternative et, plus urgent, un statut protecteur du lanceur d'alerte et de tout salarié s’exposant pour faire prévaloir l’éthique et l’intérêt général.
Autre tendance de fond mise en évidence par Viavoice, le débordement de la vie professionnelle sur la vie privée. Deux facteurs y concourent : le développement des nouvelles technologies de communication (smartphone, tablettes, portables, etc.) et l’accroissement de la charge de travail. Le sondage indique que 75% des cadres utilisent ces technologies sur le temps personnel pour un usage professionnel, 58% faisant même le constat d’un débordement accru du domaine professionnel sur le privé depuis le développement des outils numériques. À mettre en lien avec l’explosion de la charge de travail qui, par ricochet, entraîne un allongement de la durée du travail. 56% des cadres déclarent travailler durant leurs jours de repos. La durée du temps de travail hebdomadaire des cadres est de 44,6 heures en moyenne, 21% d’entre eux déclarant travailler plus de 50 heures par semaine.
Cette tendance n’est, hélas, pas nouvelle, comme en atteste une enquête de la DARES de 2013 qui avait révélé la hausse significative de la durée hebdomadaire du travail des cadres entre 2003 (42,6 heures) et 2011 (44,1 heures), établissant un lien avec la hausse du nombre de salariés au forfait-jours. Pour se sortir de l’impasse, l’Ugict-CGT porte cette double revendication : encadrer les forfaits jours conformément à la législation européenne et encadrer l’usage des outils numériques.