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COMMERCE

Camaïeu, le spectre de la «faillite organisée»

13 septembre 2022 | Mise à jour le 13 septembre 2022
Par | Photo(s) : AFP
Camaïeu, le spectre de la «faillite organisée»

Deux ans après un premier redressement judiciaire, suivi d’un rachat, les 2 600 salariés de l’enseigne de prêt-à-porter se retrouvent dans la même situation. La CGT, qui craint « des centaines de licenciements supplémentaires », appelait à la grève ce 12 septembre.

Les affichettes accrochées sur les grilles donnent le ton : « La confiance des salariés dans l’actuel actionnaire est rompue ! » L’actionnaire en question, c’est Michel Ohayon et les salariés, ceux de Camaïeu, l’enseigne de prêt-à-porter féminin que l’homme d’affaires bordelais a rachetée à l’été 2020. Pas une grande réussite, puisque l’entreprise a été placée début août en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lille. La direction incrimine « une vague de crises successives majeures et sans précèdent due à la crise Covid » et « une cyber-attaque d'une ampleur exceptionnelle » subie par l’entreprise. Le coup est rude pour les 2 600 salariés, qui ont déjà vécu, il y a deux ans, un premier redressement judiciaire, la fermeture de 120 magasins et le licenciement de 500 de leurs collègues. « Mensonges, trahison, mépris, manque de moyen financier, dégradation des conditions de travail, voila ce que vivent au quotidien les salariés de Camaïeu depuis deux ans », écrit la CGT dans son appel à la grève, suivi ce 12 septembre, selon son délégué syndical Thierry Siwik, dans 72 magasins sur 500 en France. Avec une cinquantaine de collègues, il est devant l’entrée du siège de l’entreprise, à Roubaix.

« Au début, on y a cru, on s’est investi »

« Au début [après le rachat par HPB, NDLR], on y a cru, on s’est investi », témoigne Eric, 51 ans, qui travaille dans l’entrepôt logistique depuis douze ans. « C’était vraiment une belle boîte mais maintenant, une majorité [des salariés] veut partir », assure celui qui se décrit comme « dépité ». Il a vu sa tâche de préparateur de commandes s’intensifier dangereusement : « On était en sous-effectif, avec des gens en maladie pas remplacés, la charge de travail prévue pour huit à réaliser à quatre, on a accepté la polyactivité, on a vu nos demandes de jours de congés et de repos refusées… Quand on doit travailler beaucoup plus vite, on développe aussi plus de TMS. Des gens sont en dépression. » « Il n’y a eu aucun investissement dans l’entrepôt, ajoute-t-il. On travaille par exemple avec un petit terminal [informatique]. Il nous est arrivé de n’en avoir qu’un pour huit. » « Sur l’intranet, les coordonnées pour joindre les collègues ne sont même pas à jour », peste sa collègue Cindy. Elle ironise, à l’inverse, sur les bornes de rechargement pour véhicules électriques, que l'entreprise a installées sur les parkings : « Je n’ai même pas les moyens d’acheter une voiture à essence, alors électrique… » « On se doutait de quelque chose, mais l’annonce [du redressement, NDLR] a tout de même été brutale. Quand elle nous en a informé dans le hall d’entrée, notre DG était d’ailleurs très gênée », se souvient Eric.

Un seul candidat à une reprise complète

Thierry Siwik assure qu’il ne reste plus qu’un candidat potentiel à une reprise complète de l’entreprise, le fonds américain Gordon Brothers. D’après lui, le plan de continuation de l’actuel actionnaire prévoit le rachat par HPB, le groupe de Michel Ohayon, du siège et de la logistique. D’où le risque d’une mutualisation avec d’autres enseignes de HPB, qui possède notamment Go Sport, Gap France, La Grande Récré, 26 magasins Galeries Lafayette et le café Legal. Devant l’énormité de la dette – que la CGT chiffre à 250 millions d’euros – le délégué syndical craint également la fermeture de 200 magasins supplémentaires et « des centaines de licenciements ». Le tribunal de commerce étudiera les dossiers le 28 septembre. Thierry Siwik interpelle le gouvernement sur le gâchis en cours mais s’interroge aussi sur l’enchaînement des événements. Pourquoi ne pas avoir enclenché la cessation de paiement plus tôt, alors que les premiers impayés de loyers remontent aux confinements ? Pourquoi le droit d’alerte réclamé par son syndicat n’a pas été retenu ? Il va plus loin, en se demandant s’il ne s’agit pas là d’une « faillite organisée ».