12 mai 2015 | Mise à jour le 9 mars 2017
La programmation du Festival de Cannes, qui se déroule du 13 au 24 mai, présente plusieurs films à forte densité sociale. Parmi eux, La tête haute » d’Emmanuelle Bercot et « La loi du marché » constituent deux versants d’une même réalité française. Entre éducation et travail.
Le Festival de Cannes, qui se déroule du 13 au 24 mai, ouvrira sa 68e édition avec un remarquable film d’auteur en forme de chronique sociale. La tête haute d’Emmanuelle Bercot (Backstage, Elle s’en va) retrace l’enfance puis l’adolescence de Malony, un jeune délinquant à qui une juge pour enfants (Catherine Deneuve) et un éducateur (Benoît Magimel) tentent de donner sa chance malgré lui.
Tourné dans un vrai centre éducatif fermé et dans une vraie prison pour mineurs, le film emprunte son honnêteté et son réalisme à l’approche documentaire. Ce regard marque tout le récit : pas de violence spectaculaire, pas de chute impressionnante ni de dénouement superbe. Rien d’exceptionnel, juste la vie sans concession. Celle d’un enfant, né dans une famille monoparentale précaire de Dunkerque, dirait-on pudiquement. Celle d’un garçon élevé par une mère débordée par la misère économique, sociale et culturelle.
Parmi les références cinéphiliques, on pense bien sûr aux 400 coups de François Truffaut ou plus récemment à Mommy de Xavier Dolan. Mais Emmanuelle Bercot ne joue nullement la corde sensible ou la victimisation. Au contraire. Sourcil froncé et port altier, Rod Paradot, incarne, magistral, un délinquant paumé, qui n’a que son corps tendu et son regard buté pour crier la colère de sa condition. A travers ses allers-retours chez « Madame la juge » et sa relation mouvementée avec son éducateur, c’est l’encadrement d’un itinéraire chaotique qui se révèle, c’est une main tendue qui se glisse entre les accidents de parcours. Au service de son propos, la mise en scène est sobre, tenue. Elle élève discrètement le film au niveau du portrait de la République au quotidien. Et restaure la dignité de toute une population banalement méprisée en ces temps de recul du service public et de fracture du lien social.
La Loi du marché de Stéphane Brizé (Je ne suis pas là pour être aimé, Quelques heures de printemps) est également une photographie crue de la France d’aujourd’hui.
Ancien ouvrier privé d'emploi, un père de famille accepte un boulot de vigile dans un supermarché. Mais à quel prix ? Même regard sans concession, même approche sans fard sur le réel. La condition sociale est au cœur du film et Brizé s’attache à croquer un système qui broie les hommes, réduits à sauver leur peau les uns contre les autres. Comme un bloc, Vincent Lindon incarne, souverain, « un costaud qui encaisse » (voir entretien dans La NVO de mai). Ce cinéma sec et économe agit comme un miroir. Et révèle à froid toute la férocité de la violence ordinaire.
La tête haute,
réalisé par Emmanuel Bercot,
2h, sortie nationale le 13 mai.
Film d’ouverture hors compétition cannoise.
La loi du marché,
réalisé par Stéphane Brizé,
1h33, sortie nationale le 19 mai.
Film en compétition.