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EMPLOI

Carelide, cas d'école d'une indépendance stratégique en miettes

20 décembre 2022 | Mise à jour le 20 décembre 2022
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La PME du Nord, dernière entreprise française à fabriquer des poches de perfusion de paracétamol, est en redressement judiciaire, sans candidat sérieux à la reprise. Les hôpitaux français font trop peu appel à elle, préférant des fournisseurs américain et allemand.

Carelide pourra-t-elle, début 2023, concourir à l’appel d’offres d’UniHA – une coopérative d’acheteurs hospitaliers publics français – portant sur 20 millions de poches de perfusion ? Pas sûr, alors que c’est précisément la spécialité de la PME de Mouvaux (Nord) – elle en fabrique 38 millions par an – et qu’elle en aurait bien besoin. La faute à un redressement judiciaire, décidé fin octobre par le tribunal de commerce, qui gâche le goût des fêtes de fin d’année aux 430 salariés en CDI et 130 intérimaires. Ces derniers, qui travaillent en 3×8, ont décidé de se rassembler une demi-heure chaque jeudi, à la mi-journée et le soir, pour faire parler d’eux. Carelide appartenait jusqu’en 2019, au groupe Macopharma, dans lequel Gérard Mulliez, le créateur d’Auchan, a investi, avant de revendre – pour l’euro symbolique et en signant même un chèque de 32 millions d’euros au repreneur – l’activité « perfusion », qui ne lui rapportait pas assez d’argent. Premier projet de l’acheteur, le fonds Verdoso : faire signer un « accord de performance collective » avec suppressions de postes et pertes de primes diverses. « Soit une économie de deux millions d’euros par an, mais ce n’est pas passé lors du référendum qui a suivi », confie Laetitia Boumaza, secrétaire CGT du CSE. Carelide est la seule entreprise française à fabriquer des poches de perfusion de paracétamol, mais les hôpitaux français n’y effectuent que 30% de leurs achats, le reste profitant essentiellement à l’américain Baxter et à l’allemand Fresenius.

 

Un seul dossier de reprise, incomplet et peu crédible

Le placement en redressement judiciaire a suscité près d’une trentaine de « marques d’intérêt » de repreneurs potentiels, mais seulement trois visites de l’entreprise et un seul dossier formalisé. « C’est incompréhensible », commente Stéphane Ducrocq, l’avocat de l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFTC, Unsa), qui ajoute que l’offre, émanant d’une petite entreprise familiale française, « déposée en urgence » et « totalement incomplète », a « pour principal défaut de détruire des emplois, trop d'emplois ». « Le volet social prévoit d’entrée trente suppressions de postes à la production et autant dans les services supports, estimés « à la louche » selon les mots mêmes du candidat », précise Laetitia Boumaza. « Son seul projet est de prendre les aides de l’Etat et de revendre les machines », tranche Meryam Djibel, déléguée syndicale CGT, qui ne lui accorde aucune crédibilité. « Nous lui avons adressé quatre pages de questions, nous attendons une réponse écrite », précise Laetitia Boumaza. Tout est donc à refaire d’ici le 5 janvier, date limite de dépôt des offres, avant une audience prévue le 25 janvier.

 

Le gouvernement écarte toute prise de participation

Des visites de plusieurs députés et de conseillers régionaux, ainsi que des questions écrites augouvernement, ont contribué à mettre le projecteur sur les salariés de Carelide, qui avaient se sentaient oubliés depuis l’octroi en 2021 d’une aide d’Etat de cinq millions d’euros, pour contribuer à un investissement de quinze millions d’euros. Lors d’une rencontre avec les ministères de l’Economie et de l’Industrie, le 14 décembre, un conseiller aurait même confessé « une connerie », celle de n’avoir pas pris contact avec les élus du personnel après le redressement… Au cours de cette réunion avec l’intersyndicale, toute nationalisation ou prise de participation de l’Etat aurait été écartée, ainsi que toute obligation aux hôpitaux français de se fournir en France quand cela est possible. En pleine crise du Covid, l’Etat a pourtant su trouver la route de Mouvaux, en réquisitionnant les stocks de paracétamol de Carelide. Deux poids, deux mesures.