Dans un contexte de suppressions de postes, d'externalisation, voire de privatisation de missions, les élections professionnelles du 6 décembre représentent un enjeu fort à la CGT Culture, qui compte bien rester le premier syndicat au ministère. Retour sur une mobilisation de tous les instants.
Le sujet est déjà dans toutes les têtes à la CGT Culture, première organisation syndicale au ministère : les élections professionnelles, qui seront closes le 6 décembre, c'est demain. Rue de Richelieu, dans les bureaux du syndicat, l'équipe au grand complet est mobilisée. « Les élections sont un grand moment de démocratie sociale au ministère de la Culture, où 25 000 agents votent. Et l'enjeu est de taille. » Pour l'avenir même du ministère, pour la défense de ses missions et « parce que nous devons conforter notre première place », explique la secrétaire générale de la CGT Culture, Valérie Renault. Avec un objectif bien précis en ligne de mire : débattre avec le maximum d'agents sur les enjeux de l'élection et du vote CGT.
Avoir des candidats partout
Ainsi, depuis le début de l'année, les représentants des douze syndicats de la CGT Culture se réunissent tous les quinze jours pour définir leur stratégie autour de Franck Lenoble, secrétaire national. Il faut d'abord s'atteler à déposer des listes partout. Pas une mince affaire dans ce ministère très éclaté qui étend son réseau de l'administration centrale aux archives, bibliothèques et autres quatre-vingts établissements publics, en passant par les écoles d'art et d'architecture et les directions régionales des affaires culturelles. Il faut donc dénicher des centaines de candidats, y compris pour les comités locaux et les comités techniques ministériels.
Sans parler des quatre-vingts représentants des fonctionnaires et des cent représentants du personnel contractuel pour les commissions administratives paritaires. Y sont discutées deux fois par an, à parité avec la direction – et ce jusqu'à nouvel ordre, le gouvernement cherchant à les réduire –, les questions de carrière du personnel.
Notre objectif, c'est bien d'avoir des candidats partout pour que les agents titulaires (10 000 agents) ou contractuels (15 000 agents) puissent voter CGTValérie Renault
Sophie Méreau, secrétaire générale du Syndicat national des monuments historiques – 160 syndiqués CGT sur 1 400 personnes, dont 900 contractuels – s'y emploie tous les jours. Sa mission : trouver 44 candidats, tous collèges confondus. En renouvelant si possible en partie les listes et en représentant autant que faire se peut toutes les catégories de personnel et tous les sites, tout en respectant la parité femmes-hommes. Pas de quoi décourager Sophie et ses camarades. Ils passent des coups de fil et se déplacent régulièrement pour des réunions d'information syndicale sur les cent sites des monuments nationaux répartis sur l'ensemble du territoire. Des structures très variées et qui peuvent employer de un à cent agents pour les plus importantes, allant des grottes préhistoriques des Eyzies en Dordogne à l'arc de Triomphe à Paris, en passant par l'abbaye du Mont-Saint-Michel.
Ce matin de septembre, Sophie Méreau est au domaine national de Saint-Cloud – cent agents en poste – où elle rencontre une jeune femme qui vient de se syndiquer. Sur les conseils des délégués CGT du site, elle lui propose de se présenter. « J'essaie de la motiver et surtout de la rassurer en lui expliquant qu'elle ne sera pas seule, dit-elle. Cela prend du temps. » Elle doit aussi bien vérifier l'éligibilité des personnes.
Des listes porteuses des revendications des salariés
Mais il s'agit aussi de discuter avec chacun de son travail, de ses attentes et de ses préoccupations. Car, tous les militants de la CGT Culture en sont persuadés : c'est bien aussi par un travail de fond et une présence sur le terrain que se gagnent les élections. Comme l'explique Sophie Méreau, la campagne électorale est l'occasion de faire davantage encore s'exprimer les revendications, et de les défendre.
Pour cela, Monument Info, le journal du syndicat, que reçoivent en direct tous les agents, s'avère un outil efficace – plus encore, selon elle, que les tracts – pour faire connaître les propositions de la CGT et l'action syndicale dans la durée. Le troisième numéro, en cours de finalisation, parle des élections, en lien direct avec tous les problèmes soulevés à la culture par les restrictions massives de crédits d'intervention et les restructurations administratives permanentes.
Cela a abouti, au sein du ministère, à la multiplication des établissements publics, avec des dirigeants aux pouvoirs renforcés, qui ont transformé le ministère en « un cartel de féodalités ». La révision générale des politiques publiques des années Nicolas Sarkozy s'est traduite par la suppression de 2 700 emplois, qui viennent s'ajouter aux 1 000 emplois perdus sous François Hollande et aux 160 postes supprimés actuellement. « Les réorganisations successives empêchent le personnel de travailler ensemble, les politiques sont mal définies. Tout le monde remplit des tableaux Excel mais ne peut plus travailler sur le fond. Les tweets de la ministre ne suffisent pas à faire une politique culturelle », confirme avec ironie Valérie Renault.
Les dangers de CAP 2022
Le statut général est lui aussi menacé, comme dans d'autres secteurs de la fonction publique, par Action publique 2022 (ou CAP 2022), la réforme qu'Emmanuel Macron souhaite mettre en place, dont certains craignent qu'elle aboutisse à une liquidation au moins partielle du ministère. Il est ainsi envisagé, entre autres, de transférer les dix-sept musées à compétence nationale à d'autres administrations publiques, d'externaliser les emplois de certaines filières, dont l'accueil et la surveillance, de réduire la collecte des archives, de redéfinir les modalités d'aide à la création artistique pour réduire le nombre d'emplois administratifs, de privatiser et d'externaliser, voire d'abandonner des pans entiers de certaines missions historiques du ministère.
À l'inverse des politiques envisagées, nous avons besoin d'avoir une expertise très forte en administration centrale et de gens de haut niveau pour concevoir les politiques publiques et les évaluer, ajoute Valérie Renault. C'est pourquoi nous faisons campagne sur les questions de personnel, mais aussi sur la préservation de l'exception culturelle française en pleine marchandisation.
En ligne de mire de la CGT, la privatisation rampante des espaces publics, comme cela a été le cas récemment au château de Versailles, fermé en pleine semaine pour recevoir le prince héritier du Japon. Alors qu'il y a de plus en plus de visiteurs, ce qui nécessiterait plutôt de renforcer l'organisation.
Les repères revendicatifs que sont la valeur du point d'indice, le pouvoir d'achat et le temps de travail, ont eux aussi été fortement bousculés dans un ministère pétri d'inégalités de traitement, malgré des grilles salariales identiques. Pourtant, les militants de la CGT Culture sont optimistes. « Le moral est bien meilleur qu'aux précédentes élections en 2014, il y a plus d'allant et des prises de responsabilités inédites au sein du syndicat », constate Valérie Renault. Une bonne nouvelle pour défendre les intérêts des agents quand certains, au plus haut niveau de l'exécutif, voudraient transformer la culture en un bien marchand comme les autres.
Bénédicte Valicourt