9 mai 2016 | Mise à jour le 15 février 2017
Claude Gutman signe avec « Le cosaque de la rue Garibaldi » un touchant hommage à son grand-père. Polonais, installé à Montreuil (93), parlant yiddish, il sera méprisé des siens sauf de son petit-fils.
« On peut suivre Grand-Père dans le Bas-Montreuil d'avant-guerre, sa rue de Paris éventrée par la construction du métro. Le monde “goy” lui est pratiquement inconnu. » Ce juif polonais, exilé comme boucher en banlieue parisienne, nourrit sa famille qui le lui rend bien mal. Lui, qui ne joue pas « les assimilés d'opérette », « juif sans tambour ni trompette », « traînant son yiddish de pouilleux », est méprisé de ses proches, à commencer par sa femme.
« Pour rendre justice à cet homme qui m'a tendrement aimé, j'ai voulu faire revivre ce petit monde de rescapés à Montreuil dans les années 1950 », écrit Claude Gutman. Se faisant, il nous décrit l'exil du grand-père maternel et le sien. Les similitudes s'entrecroisent : son aïeul Tékiel rebaptisé Jules à son arrivée en France comme lui, prénommé Claude et non plus Dany, lorsqu'il débarque d'un kibboutz israélien à l'âge de cinq ans avec son père.
L'un ne doit plus parler yiddish en public, l'autre doit oublier l'hébreu. Si l'écrivain nous livre des pages plutôt sombres de son enfance avec un père tyrannique et une mère absente, il les éclaire des gestes de tendresse du grand-père.
De ces déracinements d'autant plus douloureux qu'ils doivent être tus, Claude Gutman n'en fait nullement un récit misérabiliste, derrière les « bourreaux » familiaux se cachent tout compte fait des victimes. Avec Le cosaque de la rue Garibaldi, il signe un roman d'amour tout en finesse.
Le cosaque de la rue Garibaldi, de Claude Gutman.
Éditions Gallimard, 221 pages, 16,50 €.