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DISCRIMINATIONS

Les travailleurs handicapés encore plus touchés par la crise sanitaire

19 novembre 2020 | Mise à jour le 19 novembre 2020
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La 24e Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH) qui s'est tenue cette semaine révèle que cette population est deux fois plus touchée par le chômage et plus souvent discriminée au travail. Une situation encore aggravée par la crise sanitaire.

La 24e Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), créée en 1997 par l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt), se déroule jusqu’au 22 novembre avec conférences, ateliers et actions de sensibilisation, principalement à distance. Plusieurs thématiques sont à l’honneur cette année : le numérique comme « levier vers l'emploi » mais encore inégal en matière d’accessibilité, l’inclusion de l’école vers l'emploi et la question du handicap invisible.

Mesures gouvernementales

De son côté, le gouvernement a tenu le 16 novembre un comité interministériel du handicap (CIH) à Matignon, devant aboutir à des annonces en faveur des droits des personnes handicapées… Rappelons que pour favoriser les recrutements, le gouvernement a, pour l'heure, mobilisé dans le plan de relance 100 millions d’euros pour les personnes handicapées : 15 millions pour l'emploi accompagné et 85 millions pour des aides à l'embauche de l’ordre de 4.000 euros. Mais « ce dispositif n’est prévu que jusqu’en février », déplore l’association APF France handicap, demandant l’allongement de cette aide à mesure que la crise s’allonge. « Faute de quoi, elle n’aura qu’un impact limité, voire inexistant », estime-t-elle.

Décalage entre discours et réalité

Ce coup de projecteur est l'occasion d'encourager les « entreprises d’évaluer leur stratégie handicap et au grand public d’être sensibilisé », espère Patrick Gohet, président de Ladapt, car, si « le mot inclusion est sur toutes les lèvres, force est de constater qu’il reste encore du chemin à parcourir », nuance-t-il. La loi a beau imposer l'embauche d'au moins 6% de travailleurs handicapés, les taux d'emploi peinent à décoller. Dans le privé, seulement 3,9% des postes étaient occupés par des personnes handicapées fin 2018. Une proportion qui atteignait 5,83% dans le public en 2019.
Fin septembre, 486.755 demandeurs d'emploi handicapés étaient ainsi inscrits à Pôle emploi, soit 8% de l’ensemble des demandeurs d'emploi (petite activité comprise), selon l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Le taux de chômage des personnes handicapées, entre 16% et 18%, est deux fois supérieur à la moyenne nationale (9%).

Chute des recrutements

Un « léger frémissement » avait pourtant été constaté ces derniers mois avec une baisse du nombre de demandeurs d'emploi handicapés, qui semblaient relativement épargnés par la crise. « Les mesures telles que l’activité partielle, l’arrêt maladie pour les personnes vulnérables, le développement du télétravail ou les mesures de soutien à l’activité professionnelle ont permis de limiter les dégâts et beaucoup de personnes handicapées en ont profité », explique Véronique Bustreel de l’Agefiph. Elle regrette, aujourd'hui, « un gel des recrutements et un arrêt des formations. Avec ce nouveau confinement, on est très inquiet pour les mois à venir ». Au premier semestre, les recrutements de travailleurs handicapés ont effectivement chuté de 30%.

Particulièrement touchés

« Ce coup d’arrêt touche tout le monde mais particulièrement les personnes handicapées », estime Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps. Les travailleurs handicapés « souvent plus âgés et peu formés », rappelle-t-il, « n’ont pas un profil type recherché par les entreprises en période de crise ». Une donnée à laquelle pourrait malheureusement s'ajouter une confusion entre « handicap et vulnérabilité au virus, ce qui pourrait rajouter une image négative pour embaucher ». Encore en 2019, le handicap restait le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination. Rappelons qu'en France, la moitié des personnes handicapées ont un niveau de vie inférieur à 1 540 euros par mois, soit près de 200 euros de moins qu’une personne valide, tandis que le montant de l'AAH (allocation adulte handicapé) est fixé en 2020 à 902 euros, sous le seuil de pauvreté (1 063 euros par mois).

Situation européenne similaire

À l'échelle européenne, la situation est tout aussi désastreuse : 48,1 % des personnes en situation de handicap ont un emploi (contre 73,9 % pour l'ensemble de la population). Les taux d'emploi des femmes et des jeunes souffrant d'un handicap sont encore plus bas. Des chiffres qui ne disent en outre rien de la qualité des emplois ni même s'il s'agit du marché ouvert du travail ou d'ateliers protégés. Ils excluent en outre les personnes handicapées vivant en institutions de soins.

Revendications et propositions de la CES

Pour sortir de cette situation, la CES (Confédération européenne des syndicats) avance une série de propositions dans un document intitulé « Stratégie européenne en faveur des personnes handicapées 2020-2030 ». Elle préconise des mesures d'incitation à l'embauche de personnes en situation de handicap en ayant recours aux fonds européens. Et réclame que les travailleurs handicapés suite à un accident du travail soient soutenus pour retrouver un emploi adapté à leurs nouvelles compétences, sans perdre les conditions de travail dont ils jouissaient avant leur accident.

Vers un statut juridique européen ?

Pour mieux protéger les personnes handicapées travaillant en atelier protégé, la CES revendique la mise en place d'un statut juridique en matière de droit du travail équivalent à celui des personnes travaillant dans un environnement de travail ouvert. Cela inclurait aussi l'application des conventions collectives des secteurs économiques concernés. Elle réclame également que le cumul entre revenus professionnels et allocations d'invalidité soit encouragé dans l'ensemble des États membres. Les allocations d'invalidité existent pour compenser les coûts de la vie supplémentaire qu'entraine un handicap et ne devraient pas être perdues une fois qu'une personne handicapée commence à travailler. Et d'expliquer : « l'incompatibilité entre salaire et allocations est une forme de discrimination qui prive les personnes handicapées de leur droit d'améliorer leur situation financière par le travail et les expose à un risque accru de pauvreté. »
Sur le registre de la sécurité et la santé au travail, la CES exhorte la Commission européenne à renforcer l'obligation de prévoir des aménagements raisonnables du lieu de travail pour les travailleurs handicapés. Ce qui inclut l'utilisation d'outils et d'équipements numériques et électroniques ainsi que de logiciels et de matériel destinés à soutenir les travailleurs souffrant de handicap et à leur faciliter l'exécution de leur travail.