Comment les salariés et les militants syndicaux s’adaptent à cette réalité ? Ceux qui travaillent de chez eux, ceux qui sont tenus de se présenter à leur poste… Chaque jour, la NVO vous raconte le quotidien des travailleurs à l’heure du Covid-19. Aujourd’hui : le secteur de l’industrie.
Fermeture totale ou limitée des sites industriels, chômage technique ou partiel des personnels, les chefs d'entreprises n'ont plus vraiment le choix. Face à l'épidémie, il s'agit de protéger la santé des personnes et donc, des travailleurs. Un message pas toujours bien entendu parmi les dirigeants.
« Restez chez vous ! » L'injonction, martelée par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, a le mérite d'être claire. Face à l'épidémie de coronavirus, la seule réponse possible, c'est le confinement. Pas toujours évident à respecter pour les salariés. D'autant que, par la voix de son président délégué, Patrick Martin, le Medef appelle de son côté à une « nécessaire continuité de l'activité économique » malgré la crise.
Un paradoxe souvent difficile à gérer. « Lundi dernier [16 mars, NDLR], les personnels qui ne peuvent pas télétravailler et ne sont pas confinés ont dû se rendre au travail », explique ainsi Xavier Petrachi, délégué syndical CGT Airbus à Toulouse. « Sous la pression des salariés et des syndicats, la direction a finalement arrêté la production des chaînes d'assemblage, mais jusqu'à vendredi [20 mars, NDLR] uniquement. Et elle leur demande de revenir lundi ! »
Incompréhensible pour Xavier qui craint que, compte tenu du délai d'incubation du virus, 14 jours, « des gens puissent reprendre le travail et être infectés sans le savoir, ce qui ferait prendre des risques aux collègues ». Tout cela, pour « des avions qui vont rester sur le tarmac et ne seront pas livrés tout de suite ».
Ce risque, les constructeurs automobiles français, Renault ou PSA, n'ont pas voulu le prendre. Fermant dès le début de la semaine leurs usines en France. « Quand tu vois que, dans un même établissement, tu mets de manière obligatoire les ingénieurs et les techniciens en télétravail et que tu demandes aux prolos de rester au boulot, il y a quelque chose qui ne va pas », dénonce Fabien Gache, DSC chez Renault, où toute la production est désormais en chômage technique. Sous-traitants compris.
Danger grave et imminent chez certains sous-traitants
Des sous-traitants dont le sort varie d'une boite à l'autre. Face au refus de leur direction de fermer l'entreprise, les salariés de PunchPowerglide, fabricant de boites de vitesse pour BMW installé à Strasbourg, n'ont pas eu le choix.
« Après une réunion extraordinaire du CSE qui n'a rien donné, les syndicats ont présenté un droit d'alerte pour danger grave et imminent unanimement approuvé par les travailleurs et ce matin [mercredi 18 mars, NDLR], la direction a pris la décision de fermer la boîte pour un mois et mettre au chômage les 744 salariés de l'entreprise, y compris les cadres », se satisfait André Duléry, délégué syndical. Nécessaire dans cette entreprise du Bas-Rhin, haut lieu de l'épidémie, où deux cas, dont un grave, de Covid-19 sont avérés.
Agroalimentaire et distribution : situation préoccupante
Reste que si les industriels favorisent le télétravail, ferment leurs entreprises et mettent leurs personnels en chômage technique ou partiel, souvent sous la pression de salariés, dans les secteurs dits « essentiels », la situation devient préoccupante. Entre autres pour les employés de l'agroalimentaire et de la distribution, « invités » par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, « à se rendre sur leurs lieux de travail ».
« Pas de souci, on est dans une crise et les salariés sont prêts à jouer le jeu », affirme Amar Lagha, secrétaire général CGT Commerces et services. « En revanche, ils demandent à juste titre des moyens de protection. » Ce qui est loin d'être le cas. « Certains magasins vont mettre des plexiglas pour protéger les caissières, mais est-ce que cela suffit ? » Question pertinente alors que la grande distribution, à l'instar des services de santé, est elle aussi « en première ligne ».
« Tous les jours, elles côtoient des personnes qui peuvent être contaminées et certaines ont peur. » Pas sûr dans ces conditions que « la valorisation de leur métier, les primes » annoncées par Emmanuel Macron jeudi 19 mars suffisent à les motiver. « Ce que l'on demande, c'est des masques, des gants et que l'on respecter un mètre de distance demandé. » Sinon ? La réponse d'Amar Lagha est nette : « On appellera chaque salarié à exercer son droit de retrait ». Des propos que confortait ce mercredi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, rappelant que « les salariés doivent pouvoir exercer leur droit de retrait tant que tout n'est pas assuré pour leur protection ».
Une option à laquelle recourent désormais de plus en plus de travailleurs dans les différents secteurs industriels pour répondre à un patronat parfois — souvent ? — plus préoccupé par la santé économique de ses actionnaires que celle, bien physique, de ses employés.