Grève générale grecque contre l’austérité
Les travailleurs grecs ont massivement participé le 30 mai à la grève générale à laquelle appelaient les principaux syndicats du privé et du public. Lire la suite
Depuis ce lundi, le peuple grec subit une nouvelle vague de mesures d'austérité. Par exemple, la TVA, impôt qui frappe indistinctement toute la population, et donc plus durement les plus éprouvés par la crise, est-elle passée de 13 à 23 % pour les denrées non périssables et la restauration. Elle reste inchangée à 13 % pour l'hôtellerie, et a été un peu réduite, mais atteint tout de même 6 %, pour les médicaments ou les livres. Et hier mardi, le gouvernement a déposé au Parlement un projet de loi en vue de l'adoption d'une seconde vague de mesures, que les créanciers du pays exigent pour garantir un nouveau prêt.
Ceux-ci veulent imposer une autre réforme des retraites d'ici octobre, le renforcement de la concurrence de certains « marchés », tels que les transports, le ferry, l'introduction de l'électricité à la concurrence, un programme de privatisations dans de nombreux domaines, une révision drastique du Code du travail et de l'administration publique. Après une négociation avec Angela Merkel et François Hollande, dont il sera difficile de prétendre qu'elle ne ressemblait pas à un chantage, le premier ministre, Alexis Tsipras, leader de Syriza, a finalement été contraint de céder sur nombre de mesures pourtant refusées par la population ; des mesures qu'il a annoncé désapprouver, mais a tout de même soumises au vote du Parlement, soulignant, sur le fond, la nécessité d'un autre rapport de force face à la troïka — BCE, Commission européenne, FMI — et à ses hérauts.
La Grèce a dès lors reçu un prêt d'urgence de 7,16 milliards d'euros pour rembourser 4,2 milliards à la BCE et 2 milliards au FMI. Les négociations devaient donc s'ouvrir pour un plan d'aide pouvant aller jusqu'à 86 milliards d'euros, sous réserve de la mise en œuvre des mesures drastiques exigées par les créanciers.
En fait, Alexis Tsipras a joué en permanence la carte de la démocratie et informant et en consultant régulièrement la population et le Parlement quant aux négociations en cours avec la troïka sur la dette et sur un nouveau prêt. Et en organisant même un référendum sur les exigences de la Troïka, appelant lui-même à voter non. Le 5 juillet, malgré une intense campagne, tant médiatique que du fait de membres de plusieurs gouvernements européens, les citoyens grecs ont rejeté à 61,31 % le nouveau programme ultralibéral dessiné fin juin par les créanciers du pays.
C'est qu'ils connaissent à la fois les conséquences socialement et économiquement désastreuses de ces politiques, et ce que coûte l'absence de démocratie, qu'ils ont eue à subir pendant de nombreuses années, en particulier sous la dictature des colonels.
Ainsi, en mars dernier, Zoé Konstantopoulou, alors présidente du Parlement grec, lançait-elle un audit de la dette du pays. Sollicité pour cela, Éric Toussaint (collectif pour l'annulation de la dette du tiers-monde, CADTM), soulignait notamment que « le plan dit de “sauvetage” de la Grèce mis au point par les instances européennes, avec l'aide du FMI, a en réalité permis aux banques de quelques pays européens, qui ont un poids décisif dans les instances européennes, de continuer à recevoir des remboursements de la part de la Grèce tout en transférant leurs risques sur les États à travers la troïka. Ce n'est pas la Grèce qui a été sauvée, mais une poignée de grandes banques privées européennes implantées principalement dans les pays les plus forts de l'UE ».
De son côté, en France, le Collectif pour un audit citoyen de la dette (CAC) le rappelle: « Partout l'explosion des dettes publiques est pour l'essentiel le résultat non d'une hausse des dépenses sociales, mais de taux d'intérêt excessifs, du coût du sauvetage des banques sur fonds publics après 2008 et de la chute des recettes publiques. Celle-ci a elle-même résulté des cadeaux fiscaux au patronat et de l'évasion fiscale des riches, puis de la crise financière, et enfin de l'austérité qui détruit la société et bloque la transition écologique. »
La Grèce pâtit, en outre, d'une fiscalité exonérant les riches armateurs, tandis que la corruption et l'évasion fiscales privent le pays de ressources considérables. Les mémorandums imposés par la troïka au gouvernement précédent en échange de prêts, loin de relever l'économie du pays, l'ont au contraire enfoncé un peu plus dans la crise. Coupes claires dans les services publics, dans les salaires, dans les pensions de retraite… ont appauvri la population et empêché toute reprise. Le taux de chômage est le plus élevé d'Europe. Il a explosé depuis le début de la crise et atteint son record, en septembre 2013, à 28 %. Il était encore de 27 % il y a un an, avant de redescendre à tout de même encore 25,6 % en avril dernier. Plus d'un jeune de moins de 25 ans sur deux est privé d'emploi (53,2 %).
C'est ce qui a amené le peuple grec, le 25 janvier 2015, à rejeter ces politiques d'austérité lors des élections et à donner la majorité à Syriza, mouvement favorable à un changement de cap par rapport aux politiques des gouvernements précédents, qu'ils émanent du Pasok ou de la « Nouvelle Démocratie ». C'est aussi ce qui a mené aux résultats du référendum du 5 juillet.
Et c'est précisément ce qui effraie la troïka et plusieurs gouvernements européens : qu'un peuple ose dire non et que ce refus ouvre la voie à d'autres réactions analogues en Europe, en quête de politiques alternatives. Il s'agissait donc de tout faire pour contraindre le premier ministre grec à des compromis insupportables. Le 13 juillet, après des négociations dans lesquelles l'Allemagne d'Angela Merkel et la France de François Hollande ont pesé de tout le poids des intérêts bancaires, l'UE concluait un accord pour le maintien de la Grèce dans la zone euro, et pour négocier un 3e plan d'aide à la Grèce (entre 82 et 86 milliards d'euros) en échange de nouveaux sacrifices sur trois. Tout faire pour délégitimer Alexis Tsipras, affaiblir Syriza, décrédibiliser l'idée même d'alternative possible.
Plusieurs ministres du gouvernement Tsipras, comme le ministre des Finances, Yanis Varoufakis, ont voté contre le nouveau mémorandum, jugé inapplicable par le premier ministre lui-même. Yanis Varoufakis, qui a démissionné mais rejette la logique de division, précise : « Personne parmi nous n'est plus “anti-mémorandum” qu'un autre, et personne parmi nous n'est plus “responsable” qu'un autre. Tout simplement, lorsque l'on se trouve à un carrefour aussi dangereux, sous la pression de la (mal)Sainte-Alliance du Clientélisme International, il est parfaitement légitime que certains camarades proposent l'une ou l'autre voie. Dans ces conditions, il serait criminel que les uns traitent les autres de “soumis” et que les seconds traitent les premiers d'“irresponsables”. (…) Ce qui prévaut, c'est l'unité de Syriza ». Même démarche de Zoé Konstantopoulou, qui dénonce des négociations sous contrainte. De ce point de vue, au moins, la troïka et les gouvernements européens, de Berlin à Paris, sont loin d'avoir gagné.
Dans un entretien au journal du dimanche, le 19 juillet, François Hollande reconnaît que « L'Europe a laissé ses institutions s'affaiblir, et les 28 gouvernements peinent à s'accorder pour aller de l'avant. Les Parlements restent trop loin des décisions. Et les peuples se détournent à force d'être contournés. »
Dans ce contexte, ce sont les peuples qui perdent, les banques ou des patronats européens qui engrangent, les extrêmes droites qui progressent. Pourtant, évoquant la qualité de la relation franco-allemande comme s'il s'agissait de nationalités plus que d'orientations et de politiques économiques, il va jusqu'à prôner « une organisation renforcée et, avec les pays qui en décideront, une avant-garde »…
Ce que certains éditorialistes nomment la crise grecque ressemble davantage à une crise de la démocratie.
Avec la crise que leurs politiques ont provoquée, les tenants de la financiarisation de l'économie au profit des actionnaires, au lieu de changer de cap, ont franchi une nouvelle étape en imposant aux peuples des réformes structurelles mettant en cause toutes les conquêtes et un certain modèle social européen. Ce qui suppose, pour une part, de réduire le politique et la démocratie à peau de chagrin.
C'est ensemble que les peuples européens parviendront à modifier le rapport de force et à changer la donne.
À LIRE :
La lettre ouverte de la Confédération européenne des syndicats (CES) aux responsables politiques européens sur le site de la CGT et celui de l'European Trade Union Confederation (ETUC).
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