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DROITS DES FEMMES

Dans la CGT La place des femmes progresse, lentement, et reste fragile

11 août 2018 | Mise à jour le 17 juillet 2018
Par | Photo(s) : DR
Dans la CGT La place des femmes progresse, lentement, et reste fragile

Pour Sophie Binet, secrétaire générale adjointe de l'Ugict-CGT et pilote du collectif femmes-mixité, 
si l'on veut plus de femmes 
en situation de responsabilité, 
il faut revoir les critères d'examen des candidatures, qui privilégient souvent le temps de présence 
à l'efficacité. À la suite du « mouvement » MeToo (BalanceTonPorc) la NVO avait souhaité l'interroger.
Comment analysez-vous le contexte actuel ?

C'est un moment de basculement. Grâce aux femmes célèbres et adulées qui ont osé dire qu'elles avaient été victimes de violences sexuelles, le scandale Weinstein a permis une accélération de la prise de conscience des femmes. La honte est en train de changer de camp. La nouveauté, c'est que la parole des femmes commence enfin à être entendue. Cela reste très fragile, notamment sur les lieux de travail, car au rapport de domination s'ajoute le lien de subordination. Une femme qui parle risque non seulement la honte, la mise à l'écart, mais aussi sa carrière et son emploi.

#MeToo est-il un mouvement social ?

Oui. Il rassemble des femmes solidaires qui se soutiennent. Son ampleur et sa nature montrent que les combats syndicaux et féministes progressent. Du coup, les entreprises tentent de prendre le train en marche, avec une forme de féminisme de circonstance, sans que cela se traduise par une action concrète pour changer les rapports de domination. C'est, du reste, ce que fait aussi Emmanuel Macron : beaucoup de communication en faveur des femmes et, au niveau législatif, des ordonnances qui les fragilisent de façon spécifique.
Or, selon le sondage Harris Interactive que nous effectuons chaque année, l'égalité entre femmes et hommes est la première revendication sur laquelle les salariés souhaitent voir agir les syn­dicats. Et le monde du travail est directement responsable – contrairement à ce qu'affirme le patronat – de nombre d'inégalités femmes/hommes.

Pourquoi cette revendication d'égalité est-elle transversale ?

Parce que c'est un moyen de gagner des droits pour les femmes aussi bien que pour les hommes. De nombreux exemples concrets le démontrent. Pour que les femmes, par exemple, souffrent moins du « plafond de verre » et accèdent davantage à des postes à responsabilité, il faut sortir de la logique de présence et de disponibilité 24 heures sur 24 pour l'employeur.

C'est ce qui ressortait de la campagne Vie de mère lancée par l'Ugict-CGT. Les ­témoignages recueillis sur le site Vdmere.fr soulignaient tous l'impossibilité de lier carrière professionnelle et maternité à cause de la disponibilité sans limites et de la présence exigées dès lors qu'on est en situation de responsabilité professionnelle.

La parité dans les instances dirigeantes de la CGT 
n'a pas encore produit l'effet d'entraînement escompté 
dans le reste de l'organisation…
On ne décrète pas l'égalité par le haut, ni d'un coup de baguette magique. La parité de la direction confédérale, depuis 1999, est un signal fort, mais insuffisant. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place depuis 2015 un état des lieux annuel, notre « Rapport de situation comparée CGT », qui permet d'avoir une vision de la place des femmes dans l'ensemble des instances (unions départementales et fédérations), en comparaison avec le nombre de femmes dans le salariat.

Le bilan démontre une dynamique positive, puisque la place des femmes progresse à tous les niveaux, mais cette progression reste fragile et trop lente. Seul un travail volontariste, constant, à tous les niveaux permettra de faire progresser durablement la situation. Dès que le volontarisme cesse, la place des femmes ­recule. C'est la raison pour laquelle le collectif femmes-mixité a mis à disposition des syndicats le guide « Réussir l'égalité femmes/hommes dans la CGT », et anime des formations.

En avril 2017, on relevait une baisse de la part des femmes dans 
les nouvelles adhésions à la CGT…

C'était vrai au début de l'année dernière, et c'était tellement inquiétant que nous avions tiré la sonnette d'alarme. Mais vers la fin de l'année, la tendance a évolué. Nous sommes revenus à la moyenne de ces dernières années, soit entre 46 et 47 % de femmes dans les nouvelles adhésions. Nous ne pourrons faire parvenir des femmes aux responsabilités que si nous avons des femmes syndiquées. Pour une organisation qui porte dans ses statuts l'égalité femmes/hommes, syndiquer des femmes, puisqu'elles représentent la moitié du salariat, est un préalable.
C'est aussi un double enjeu : à la fois le meilleur moyen de mettre fin aux inégalités professionnelles, mais aussi un vivier pour avoir de nouvelles femmes à des postes de responsabilité à l'avenir. Aujourd'hui, les femmes représentent 37,5 % du total des syndiqué·e·s à la CGT.

Le modèle viril du militant toujours disponible est-il battu en brèche ?

Il faut interroger les critères implicites qui incitent une direction tend à retenir ou à repousser une candidature. Notre guide « Réussir l'égalité femmes/hommes dans la CGT » comporte une partie consacrée aux stéréotypes pour mieux les déconstruire. Est-ce que, pour évaluer le travail ou l'implication d'un ou d'une camarade, on regarde son temps de présence ou, au contraire, le contenu du travail réellement effectué ? Parfois, on s'aperçoit que les plus présents ne sont pas forcément les plus efficaces, et qu'au contraire, des militant·e·s qu'on voit moins produisent bien plus. Il faut donc s'interroger sur la prédominance du culte de la présence – qui est en fait discriminante pour les femmes qui assument toujours l'essentiel des tâches ménagères­.

Certaines organisations arrivent à avoir beaucoup de femmes, simplement parce qu'elles tiennent compte de la situation de ces femmes qu'elles souhaitent mettre en responsabilité, de leurs aspirations et de leurs problématiques, et qu'elles organisent les choses à partir de leurs réalités.

Un site vient d'être mis en ligne qui complète une palette déjà large d'outils sur l'égalité professionnelle.

Le site egalite-professionnelle.cgt.fr a été mis en place pour regrouper de façon pratique tous les outils à disposition de nos organisations. On y trouve ainsi les éléments pour comprendre, décrypter­, et revendiquer avec les propositions de la CGT, accompagnées de 5 petits films de 2 minutes chacun, qui peuvent être diffusés sur les réseaux sociaux, utilisés dans les réunions de formation ou les heures d'info syndicale avec les salarié·e·s. Il y a ensuite tous les outils pour agir, en particulier dans le cadre des négociations sur l'égalité professionnelle en entreprise, avec notamment­ un accord type et un guide de la négociation.

On constate en effet que la loi, en matière d'égalité professionnelle, n'est pas appliquée. Alors qu'un accord sur l'égalité femmes/hommes ou un plan d'action unilatéral est une obligation, 59 % des entreprises n'en ont pas et seules 0,2 % d'entre elles sont sanctionnées. Ensuite, on a des accords ou des plans d'action qui sont des coquilles vides, voire en deçà de la loi. Sur le site, on peut vérifier si un accord (ou un plan d'action) est conforme à la loi (les syndicats ne le savent pas toujours, et n'agissent donc pas en connaissance de cause). Quoi qu'il en soit, nous avons besoin de renforcer nos exigences revendicatives sur ce sujet et de demander la mise en œuvre de sanctions par l'inspection du travail si la loi n'est pas respectée.

Enfin, les femmes salariées peuvent trouver sur le site toute l'information sur leurs droits en matière de maternité et de parentalité, ou de lutte contre les discriminations, le sexisme et les violences. Ce site a donc vocation à être aussi un outil de syndicalisation !