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Dans l’enfer de la jungle

16 février 2016 | Mise à jour le 20 février 2017
Par | Photo(s) : Damien Roudeau
Dans l’enfer de la jungle

La journaliste Marie-Françoise Colombani et le dessinateur Damien Roudeau se sont immergés dans la jungle de Calais pour nous livrer un reportage bouleversant. Si les dernières déclarations de Manuel Valls donnent envie d'hurler, leur livret laisse sans voix.

« Imaginez-vous seul(e) ou avec vos enfants, votre famille, vos proches… parqués sur un immense cloaque de 17 hectares dont une partie est située en zone Seveso. » Dans Bienvenue à Calais, la journaliste Marie-Françoise Colombani et le dessinateur Damien Roudeau nous décrivent la jungle. Les lieux : la boue, les vieilles caravanes rafistolées au chatterton, les incendies, les latrines insuffisantes, les rats…

Les chiffres : 6 000 personnes parquées en octobre 2015, plus de 2 000 aujourd'hui, sans compter celles disséminées dans les villes environnantes (Angres, Grande-Synthe, Tatinghem…) ; en 2015, plus d'un million de réfugiés ont rejoint l'Europe par la mer et 3 735 d'entre eux ont péri ou disparu.

Derrière le nombre, des gens qui survivent après avoir risqué leur peau, qui s'enfuient, qui meurent parfois écrasés sur l'autoroute, d'autres qui leur viennent en aide. En une cinquantaine de pages, on découvre l'enfer malgré quelques étoiles, on navigue entre cruauté et humanité. Cruauté de la guerre, des passeurs, des règlements européens, des gouvernements, de citoyens haineux…

Humanité des bénévoles, des ONG, de citoyens accueillants qui peinent à épauler les réfugiés. Les bénéfices et droits d'auteur du livret sont reversés à l'association L'auberge des migrants qui distribue bouteilles de gaz, vêtements et aide à la construction de cabanes en bois.

ÉCLATS DE VIE

À la lecture du livre, rythmé par de très beaux dessins, on prend conscience de la mouise la plus totale dans laquelle pataugent des enfants, des femmes et des hommes dans l'indifférence d'une grande partie de la France, pas douce du tout. Pointe aussi la force de ces citoyens du monde qui tiennent vaille que vaille, malgré des « éclats de vie » souvent atroces.

« Elle est afghane. (…) Sur le bateau qui les emmenait en Grèce, on lui a ordonné de faire taire son bébé sous peine de faire repérer l'embarcation. Elle l'a serré très fort contre elle, il est mort étouffé. Elle n'a pas voulu jeter son corps à l'eau. La nuit, pendant son sommeil, le passeur l'a fait. Il s'est trompé : c'est sa petite fille qui est partie à la mer. »

Ces récits compilés en fin d'ouvrage nous laissent sans voix, mais rageurs, à la lumière des dernières déclarations de Manuel Valls. Faisant la leçon à la chancelière allemande, notre Premier ministre martelait à Munich, samedi dernier : « Nous ne pouvons pas accueillir plus de réfugiés ».

L'accord au sein de l'Union européenne prévoit l'accueil de 160 000 réfugiés, dont 30 000 en France. « Mais pas plus », a déclaré avec fermeté Valls. Il serait bien inspiré de se plonger dans le livre de Marie-Françoise Colombani et Damien Roudeau au plus près de la misère du monde.

 

 

Bienvenue à Calais. Les raisons de la colère de Marie-Françoise Colombani et Damien Roudeau.

Actes Sud, 56 pages, 4,90 euros.