Fret ferroviaire : la CGT s'insurge contre un scandale d'Etat
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Tandis que le projet de loi sur la transition écologique est en discussion au Sénat, la prochaine conférence environnementale, qui aura lieu fin novembre, se prépare.
Les salariés des transports subissent de plein fouet les derniers avatars de la politique libérale d'austérité et de réduction des déficits publics, en contradiction avec l'esprit
du Grenelle de l'environnement auquel la CGT a en son temps largement contribué. Une politique des transports doit répondre à l'intérêt général
des usagers et des salariés du secteur.
La conférence environnementale aura lieu cette année les 27 et 28 novembre. Ce rendez-vous annuel, voulu par François Hollande, réunit les associations, les organisations syndicales de salariés, les organisations patronales, les représentants des élus locaux, les parlementaires et plusieurs ministres. Elle se prépare au sein de commissions spécialisées du Conseil national de la transition énergétique (CNTE).
Au menu de la conférence figure notamment une table ronde « transports et mobilités durables ». Le 29 octobre, plusieurs fédérations CGT, l'Union interfédérale des transports de la CGT, avec la fédération des cheminots, la CGT transports, la CGT équipement et environnement, la fédération nationale des syndicats maritimes et la fédération des officiers de la marine marchande rendaient publique, ensemble, leur contribution à la commission spécialisée qui prépare cette table ronde, et dont l'objectif est de proposer une note de cadrage qui sera discutée lors de la conférence environnementale.
En septembre et décembre 2007, le « Grenelle de l'environnement », un ensemble de rencontres politiques organisées à l'initiative de Nicolas Sarkozy, élaborait un programme politique à long terme en matière d'environnement et de développement durable. Il s'agissait de restaurer la biodiversité tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre (GES) et en améliorant l'efficience énergétique. Dans le domaine des transports, premier émetteur de GES, le Grenelle de l'environnement impose une réduction des émissions de CO2 de 20 %. Pour cela, il suggère de développer les transports en commun et de diminuer les effets induits par les transports polluants que sont la voiture et le transport routier.
La CGT, fortement impliquée dans sa préparation, ayant en outre travaillé en convergence avec des associations elles-mêmes engagées pour le développement durable, exposait dans une lettre adressée le 11 septembre 2007 à Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie de l'époque, la nécessité de s'engager dans une politique multimodale favorisant le fret ferroviaire, fluvial et maritime : une politique de développement des transports collectifs.
La loi dite « Grenelle I » avait confirmé l'objectif de transfert modal pour tout le fret routier de transit, ainsi que les programmes accélérés de transport collectif urbain et de lignes à grande vitesse, et acté la nécessité d'une écotaxe sur les poids lourds pour financer les infrastructures de transport alternatives à la route. Enfin, elle posait le principe du développement des autoroutes de la mer, des autoroutes ferroviaires et l'extension du réseau fluvial.
Pourtant, cinq ans plus tard, en 2012, un rapport de l'inspecteur général des finances Thierry Wahl fait le bilan. Il constate l'échec de la réduction des émissions de gaz à effet de serre par les moyens de transport. Si l'usage des transports en commun a quelque peu progressé (de 14,5 % en 2006 à 16 % en 2011), le fret ferroviaire et fluvial ne se sont pas imposés, loin s'en faut, face au fret routier. Alors que l'objectif était que les péniches et les trains représentent un quart du fret terrestre, les camions ont au contraire gagné du terrain. Dès lors, les émissions de particules fines restent « très au-dessus du seuil maximum espéré ». Le secteur le plus émetteur de GES demeure celui des transports (27 %, dont 56 % pour les voitures particulières, 22 % pour les poids lourds et 17 % pour les véhicules utilitaires), quand le fluvial est responsable de moins de 1 % et le ferroviaire de 0,4 %.
L'adjectif « durable » fait référence au développement durable, c'est-à-dire à « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », d'après la célèbre formule de Gro Harlem Brundtland, premier ministre norvégien (1987). Les mobilités durables sont, selon cette notion, à la fois « économiquement efficaces, socialement équitables et écologiquement soutenables ». Et pour la CGT, tendre vers un tel but suppose de sortir de la pensée libérale dominante dont les maîtres mots sont : « compétitivité », « concurrence » et « coût du travail ».
L'urbanisation croissante rejette toujours plus loin des centres d'activité les populations précaires et pauvres, ce qui impose plus de transports. Se loger décemment à proximité de son travail devient presque un luxe et, loin des centres urbains, des territoires désertifiés manquent cruellement de transports collectifs, ne laissant pas d'autre choix à ceux qui le peuvent que de prendre leur voiture.
Il faut rendre systématiques les études d'impact transports lors de la création ou du réaménagement des zones industrielles, commerciales ou résidentielles et inciter à mettre en place des services de transport en commun. Arrêter d'implanter des centres commerciaux dans « les champs de betteraves » sans aucun maillage avec le rail ou le fluvial ; en résumé, rapprocher les zones de travail et de consommation des zones d'habitation et privilégier la production locale en circuits courts nécessitant peu de transports.
Dans certains territoires, des trains ont été supprimés ; des lignes TER, des gares ont été fermées et l'avenir de nombreuses autres se joue sur le critère de rentabilité maximum, au mépris de l'intérêt général et sans considération des déserts ainsi créés. Dans cette situation, c'est encore une fois la voiture qui constitue le dernier recours pour certains salariés.
Pour rendre les transports en commun accessibles à tous, aussi bien pour le travail que pour les loisirs, il faut un service public de qualité qui ait la même attractivité que la voiture. Donc des moyens supplémentaires en personnel comme en matériels. C'est pourquoi la CGT revendique la création d'un pôle de transport public, seul à même de garantir l'accessibilité des transports publics de qualité dans un maillage territorial réfléchi en termes de multimodalité.
Les engagements issus du Grenelle de l'environnement donnaient la priorité à la régénération et à la modernisation des réseaux existants, sans abandonner bien sûr le développement de projets nouveaux en matière d'aménagement du territoire. Quand on dit : « réseaux », il s'agit de l'ensemble des réseaux ferrés, fluviaux et routiers, de leurs articulations et de leurs complémentarités dans une conception dite « multimodale » que défend la CGT.
Pour cela, il faut des financements publics (plus de 40 milliards d'euros d'ici 2030 dans le cadre des engagements du gouvernement Ayrault sur le « plan d'investissement d'avenir » de 2013). À défaut de financements publics qui garantissent l'intérêt général et la défense du développement durable en matière de transports, ce sont les partenariats public-privé qui prennent la main, soumettant les travaux d'infrastructures aux seuls critères de rentabilité financière.
Il convient d'étendre le « versement transport » à toutes les régions en le rendant obligatoire, dès le premier salaire, dans toutes les entreprises. Actuellement, c'est une contribution due par les employeurs privés ou publics qui emploient plus de neuf salariés dans une zone où il est institué. Mieux : il faut l'élargir aux plus-values immobilières et foncières. Plus généralement, les nouvelles sources de financement à trouver reposent sur une fiscalité juste adressée à ceux qui profitent financièrement d'un réseau de transport collectif (zones commerciales centrales, quartiers d'affaires et bureaux, habitations collectives neuves…).
Mais le développement des transports publics doit surtout pouvoir bénéficier de l'emprunt. La création d'un pôle public financier, adossé à la Banque publique d'investissement (BPI) permettrait de gérer l'argent public dans un cadre cohérent d'aménagement du territoire en relation avec les autorités organisatrices de transport (AOT).
Le projet de loi « relatif à la transition énergétique pour la croissance verte » adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 14 octobre, loin d'envisager la question des transports de façon globale, la réduit à la portion congrue : développer des transports « propres ».
La CGT a, quant à elle, revendiqué, avec d'autres organisations au sein du Conseil national sur la transition énergétique, que les infrastructures de transport et leur organisation globale soient pris en compte comme un levier important vers une « efficacité et sobriété énergétique » de nos modes de production et de consommation d'énergie. Sa vision est celle d'un développement multimodal intégré qui favorise le maillage des réseaux ferroviaires, fluviaux et routiers selon une logique de complémentarité.
Pour sortir de la concurrence entre les modes de transport, la CGT défend un juste coût du transport avec une tarification sociale obligatoire (TSO) du transport routier de marchandises afin de protéger les salariés du dumping – source de suppressions massives d'emplois – et de permettre d'améliorer les conditions de vie et de travail des salariés sacrifiés à une pratique de sous-tarification systématique.
La TSO vise à ce qu'enfin les chargeurs se posent la question de la rentabilité du « tout-routier ». La récente mise au rancart de l'écotaxe pourtant, privant l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITV) de la moitié des recettes prévues (soit 800 millions d'euros), ne permet guère d'envisager de sortir de la concurrence du réseau routier – le plus subventionné – avec les autres modes de transport.
L'équivalent de la situation de dumping dans le transport aérien est le low cost. Installées dans de petits aéroports, les compagnies low cost sont subventionnées par des collectivités sur des budgets déjà resserrés (11 milliards de réduction des dépenses publiques prévus pour les collectivités), au détriment du développement et/ou de la modernisation des autres modes, en particulier du rail. Sans oublier les graves impacts sur l'environnement.
La politique ferroviaire doit être en cohérence avec une politique industrielle nationale et régionale mettant en place les infrastructures nécessaires à l'activité économique et à la desserte des territoires. La réforme ferroviaire fragilise pourtant l'entreprise publique qu'est la SNCF et généralise la concurrence et l'ouverture au marché privé, à l'exact opposé des préconisations du Grenelle de l'environnement. Le fret ferroviaire est à moins de 10 % de part du transport de marchandises. Certains territoires n'y ont même plus accès.
Service public ou low cost ? Contre la mise en concurrence des modes de transport et des salariés du secteur, contre la privatisation en marche, la CGT continuera de défendre une complémentarité des modes de transport dans une logique de réponse publique pertinente aux usagers et de défense des salaires, des emplois au service d'une transition écologique qui ne saurait passer par le low cost.
L'État a le pouvoir de redistribuer les cartes dans l'intérêt de tous et dans le respect des mesures annoncées par le Grenelle de l'environnement, mais visiblement pas la volonté.
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